Compte-rendu du séminaire du 6
mai 2015
« Musique dans l'atelier du
peintre »
Florence Gétreau
Le séminaire INHA-IreMus
« L'iconographie musicale et l'art occidental » de l'année 2015 s'est
clos avec l'intervention de Florence Gétreau. Actuellement directrice de
recherche au CNRS et spécialiste en organologie et en iconographie musicale,
Florence Gétreau a présenté le thème « Musique dans l'atelier du
peintre » comme un phénomène majeur dès le XVIIe siècle (1) à travers un large panel de tableaux allant jusqu'au XIXe siècle. Cette
contribution a également permis d'avoir en avant-première les thématiques et
les analyses de tableaux qui figureront dans le prochain livre de Florence
Gétreau (2). Le présent compte-rendu tâchera de relever
les idées fortes en les étayant par quelques exemples donnés pendant la
communication, sans pour autant les retranscrire tous : nous laisserons au
lecteur le plaisir de les découvrir dans l'ouvrage à paraître.
Tantôt haut-lieu d'émulation et
de rencontres au sein d'un cercle d'artistes de divers horizons, tantôt miroir
de l'intimité et révélateur de l'âme de l'artiste peintre, la représentation
picturale de l'atelier du peintre devient ainsi un espace scénique marqué par
une présence visible de la musique, que le peintre soit lui-même acteur de la
musique ou qu'il choisisse la musique comme source d'inspiration. Le titre de
« Musique dans l'atelier du peintre » appelle ainsi plusieurs
interprétations allant de la musique en tant qu'art – représentée par un objet
emblématique (instrument inerte ou joué) ou personnifiée par une allégorie –
jusqu'à l'exécution et l'écoute au cœur de l'atelier – que ce soit par un
musicien proche du cercle du peintre, ou encore parfois exécutée par le peintre
lui-même. Ainsi, Florence Gétreau a articulé son exposé en sept cas de
figure :
- Le peintre entouré d'instruments de musique
- Le peintre peignant une nature morte d'instruments
- Le peintre peignant une scène de musique
- Le peintre peignant une allégorie de la musique
- Le peintre musicien dans son atelier
- Le peintre peignant en musique
- Le musicien parmi les habitués de l'atelier
Le peintre entouré
d'instruments de musique
La première perspective choisie
fait partie des représentations les plus éloquentes, particulièrement courantes
au XVIIe siècle (3) grâce à la présence d'instruments dans l'atelier où le peintre travaille,
ceux-ci pouvant se trouver placés d'une façon plus ou moins visible dans
l'atelier.
Un
premier exemple frappant serait le tableau de Frans van Mieris l'aîné, Autoportrait
du peintre dans son atelier, vers 1657-1659. Il met en scène plusieurs
éléments courants de la vie du peintre, parmi lesquels ses ustensiles, une
statuette en marbre de l'Hercule enchaîné luttant contre le serpent, mais
surtout une viole qui tient une place pré-éminente dans le tableau. La
symbolique qui se dégage de ces objets met en valeur le lien entre les arts et
ses sciences, mais peut-être aussi celui entre les arts libéraux et leur
théorie commune des proportions.
Pour
montrer la diversité, mais aussi la prégnance des représentations de cette situation
au fil des siècles, Florence Gétreau cite comme deuxième exemple un dessin de
Gabriel de Saint-Aubin intitulé La chambre de l'artiste et datant de
1780. Si la fonction de l'instrument à cordes situé en arrière-plan paraît
atténuée par la modestie de la chambre-atelier, voire ambigüe par le désordre
manifeste du lieu, ce dernier dessin de Saint-Aubin constitue à la fois un
dernier témoin de la désespérance de l'homme face à la mort (en particulier par
la présence du cadavre), mais aussi un véritable testament de l'artiste. Il
s'agit d'un ultime rappel de sa pratique musicale, par ailleurs attestée dans
l'inventaire de ses biens après décès, parmi lesquels figurent un clavecin, un
petit orgue, deux basses à cordes, un petit cor et une vielle à roue.
Le peintre peignant une nature
morte d'instrument
Si dans cette configuration
d'objets inanimés, l'instrument n'est pas joué, il reste néanmoins le symbole
de l'art musical. En contrepoint avec d'autres arts libéraux, le détail des
qualités plastiques et matérielles de l'instrument vont démontrer la virtuosité
de l'artiste.
La
nature morte peut reprendre le thème de la Vanité. Que ce soit chez Gerrit Dou,
Peter Claesz ou encore chez Jan Miense Molenaer, la musique incarnée par
l'instrument dans une nature morte symbolise alors plus particulièrement
l'éphémère, renforçant le caractère fugitif des autres éléments de la vie
symbolisés. L'activité humaine est mise en abyme soit directement, par un
miroir sphérique chez Claesz, soit indirectement par tous les emblèmes qui
composent la nature morte. Chez Cerrini, le motif de la nature morte est
dédoublé dans tout l'atelier tandis que la prédominance de la musique par les
instruments est renforcée par la présence d'une partition : il s'agit d'un
motet à deux voix extrait du volume 2 de la Selva armoniosa, imprimé en
1632 à Naples. Mais ce qui semble plus original encore dans ce tableau en train
de se faire, c'est peut-être le dépassement de la vanité par la transmission
artistique, explicitée par la relation Maître-apprenti et par le motto
« Ancora imparo ».
Peter Claesz, Vanité au violon
et à boule de verre, 1628.
Giovanni Domenico Cerrini,
L'atelier du peintre, 1632-1639.
Le peintre peignant une scène
de musique
À l'inverse du cas de la nature
morte inerte, le peintre peut aussi se représenter dans le vif de l'action en
peignant un musicien ou une scène musicale. Cette tendance se remarque plus
particulièrement chez les peintres hollandais tels que Judith Leyster, Jan Miense
Molenaer ou Joos van Craesbeeck.
Chez
ce dernier, la scène répond à tous les canons de la peinture de genre nordique
tout en présentant l'aspect démonstratif des modèles du peintre. En effet, ces
personnages symbolisent les cinq sens : l'ouïe pour le musicien, la vue
pour la femme lisant une lettre, le goût pour le buveur le toucher pour le
couple en position resserrée et l'odorat pour le fumeur. À ces cinq sens de la
vie s'oppose la vanité, immobile et moralisante, sur la droite, montrant ainsi
que l'art de peindre une scène animée est bien l'argument principal de la
scène. Ce topos pictural montre ainsi que la musique fait partie d'une
éducation artistique complète, qu'elle est une occupation sociale largement
pratiquée dans les cercles d'artistes et symbolise aussi l'harmonie des
sentiments et des arts. L'exemple le plus explicite serait l'autoportrait de
Pietro Fabris, un des précieux témoins du séjour de Léopold Mozart et de son
fils Wolfgang chez William Hamilton. Cette scène, dans laquelle le jeune
prodige joue en compagnie du maître des lieux et de Gaetano Pugnani, fait
pendant à un autre tableau représentant une scène d'escrime chez Lord Hamilton,
une des principales figures de la communauté britannique expatriée à Naples au
siècle des Lumières, également conservé à la Scottish National Gallery.
Joos van Craesbeeck, L'artiste
dans son atelier, vers 1635-1640.
Pietro Fabris, Kenneth
MacKenzie, Sir William Hamilton, Gaetano Pugnani, Mozart et son père à Naples
en mai 1770, 1771.
Le peintre peignant une
allégorie de la musique
Dans les cas où le musicien peint
est isolé et pose ostensiblement, on comprend que l'artiste n'a pas pour
finalité un caractère réaliste ou commémoratif mais qu'il s'agit d'un choix
délibéré, celui d'une allégorie. Bien que la qualification ne soit pas toujours
délivrée dans le titre des œuvres, plusieurs indices tels que la préciosité du
style pictural et la filiation thématique confirment que le peintre réalise
bien une personnification de la musique : c'est par exemple le cas de la
jeune femme à la guitare dans L'atelier de l'artiste de Mathieu le Nain
(vers 1650-1655), ou plus explicitement encore dans Artiste peignant la
musique (1803) de Marguerite Gérard. La transposition du modèle dans le
tableau peint par l'artiste se distingue de la réalité de l'atelier par la
grâce, le mouvement éthéré, certainement plus artificiel de la guitariste, sur
un fonds nuageux presque dématérialisé, qui sont autant d'éléments d'une
abstraction par l'allégorie.
Marguerite Gérard, Artiste
peignant la musique, 1803.
Le peintre musicien dans son
atelier
Giorgio Vasari est un des
premiers à mentionner dans ses Vies de peintres (4) le talent de ses compères pratiquant également la musique. Outre Giorgione qui
jouait du luth, Sebastiano del Piambo et Paris Bordone furent d'abord musiciens
avant de se consacrer à l'art pictural, tandis que Tintoret, ami du compositeur
et théoricien Zarlino, prenait « plaisir à cultiver tous les arts, en
particulier la musique, jouant lui-même de divers instruments » (5) et que Titien avait commandé un orgue portatif en échange d'un portrait à
Alessandro Trasuntino, célèbre facteur d'instruments à clavier installé à
Venise. La musique fait incontestablement partie de l'éducation et de la
culture de nombreux peintres de la Renaissance, pour qui le genre de
l'autoportrait devient le lieu idéal pour mettre en scène cette pratique
musicale – qu'elle soit antérieure ou complémentaire à leur activité de
peintre.
Il
est toutefois à noter que le portrait de peintre en musicien, genre qui remonte
à la fin du XVIe siècle, a d'abord été l'apanage des femmes : citons
Sofonisba Anguissola, qui a laissé d'elle deux autoportraits à
l'épinette ; Marietta Robusti, fille du Tintoret ; Artemisia
Gentileschi s'est représentée en luthiste et en Sainte-Cécile au luth. Autre
fait caractéristique dans ces premiers autoportraits de musiciennes : le
décor de cette pratique n'est pas identifiable et aucun indice du métier de
peintre ne transparaît, représentant uniquement la pratique musicale.
Cependant, dans l'Autoportrait à l'épinette de Lavinia Fontana, le
chevalet est visible dans le fonds et la mention inscrite en haut spécifie que
le tableau a été peint grâce à un miroir. Au XVIIIe siècle, la place des femmes
est loin d'être établie (6) mais leurs autoportraits mettent davantage en avant le statut de peintre que
celui de peintre-musicienne, pouvant parfois conserver discrètement la trace de
leur pratique musicale dans l'atelier comme chez Rose Adelaïde Ducreux ou
encore Adèle Romanée.
Lavinia Fontana, Autoportrait
à l'épinette, vers 1577-1578.
La mise en scène de la pratique
peut varier considérablement d'un artiste à l'autre, valorisant autant les
diverses compétences du modèle, les loisirs raffinés du peintre et les
connaissances étendues de l'artiste. De l'Autoportrait de Paul Bril
(vers 1600) où le peintre-luthiste semble exceller autant dans sa pratique
instrumentale que dans l'art du paysage jusqu'à L'atelier d'Ingres à Rome
de Jean Alaux (1818), en passant par le double-portrait de Jean-Baptiste de
Champaigne et Nicolas de Platemontagne (1654), le cadrage de l'atelier conserve
généralement un plan large qui permet de situer de façon efficace le lieu.
L'atelier de Winslow Homer se distingue par un cadrage plus resserré et par la
teinte des lumières qui introduit dans le jeu des deux musiciens, tandis que
les éléments propres au peintre tendent à s'effacer, ou du moins à perdre en
détail : la scène est entièrement focalisée sur l'acte musical (on peut
identifier une partition de Mozart au pied du violoncelliste) et sur la
communion entre les deux musiciens.
Winslow Homer, The Studio,
1867
Le peintre peignant en musique
Dans ce sixième cas, la musique
accompagne le travail du peintre dans son atelier. Si l'on trouve au XVIe
siècle des exemples pouvant illustrer cette situation (7),
c'est au XVIIIe siècle que le tournant majeur s'effectue :
l'artiste-bourgeois se représente dans un cadre cossu où dominent l'aisance et
le bonheur des loisirs domestiques. À ce titre, reportons-nous au portrait
familial que Jean Marc Nattier dresse dans son tableau commencé en 1730 et
achevé en 1762, comme indiqué sur le clavecin. La blouse d'atelier et la
palette à la main du peintre le situent dans son travail, tandis que l'aînée
des quatre enfants ouvre un livre de musique et que sa femme est sur le point
de tourner une page de sa partition. L'instrument était un clavecin à deux
claviers du facteur Nicolas Dumont (fin du XVIIe siècle) selon l'inventaire de
Mme Nattier et a fait l'objet d'un ravalement (redécoration après élargissement
de la caisse des claviers).
Jean Marc Nattier, Nattier et
sa famille, 1730-1762.
À l'inverse, les ateliers du XIXe
siècle se caractérisent par la présence implicite, voire l'absence du peintre
alors que les musiciens se sont véritablement approprié son lieu de travail.
Dans Le petit atelier d'Ary Scheffer, intitulé ainsi pour distinguer
l'atelier des apprentis de celui où peignait le maître, Ayr-Johannes Lamme a
représenté Cornélia Scheffer sous la verrière en train de jouer le grand piano
à queue. Plusieurs témoignages s'accordent sur l'ambiance qui régnait dans ce
lieu où la musique était omniprésente (8).
Plus loin dans le XIXe siècle, l'Atelier de la rue Condamine de Frédéric
Bazille présente une mise en scène et une dynamique bien différentes.
L'impression de convivialité se dégage dans ce tableau par la disposition des
personnages, mais également par les œuvres accrochées dans l'atelier, que les
amis de Bazille sont venus admirer. Le musicien sur la droite est Edmond Maître,
ami de Bazille depuis 1865, dont on trouve un autre portrait de 1869.
Frédéric Bazille, Atelier de
la rue La Condamine, 1870.
Le musicien parmi les habitués
de l'atelier
Pour cette dernière catégorie, il
s'agit plutôt des tableaux représentant le peintre entouré par plusieurs
artistes, parmi lesquels se trouve un musicien. Bien qu'il soit rare de trouver
ce genre de représentations dans la première moitié du XVIIe siècle, La
réunion d'amis d'Eustache Le Sueur peut faire office de terminus post
quem, date à partir de laquelle on trouve ce cas de figure dans l'art
pictural. Ce portrait de groupe est ancré dans la tradition des
« académies » dans la peinture française avec le luthiste symbolisant
l'harmonie entre les différents individus, qui évoquent autant les cinq sens
que les cinq tempéraments. La musique assure donc l'équilibre entre vie active
et vie contemplative d'une part, et les plaisirs et l'intellect d'autre part.
Eustache Le Sueur, Réunion
d'amis, vers 1640.
Il semblerait qu'il n'y ait pas
d'équivalent à cette réunion d'artistes avec un musicien dans la
peinture du XVIIIe siècle. Bien que le statut de l'artiste ait changé, le
siècle romantique réaffirme l'union des arts, une « fraternité des
arts » qui se reflète avec le frontispice de Tony Johannot du premier
fascicule de la revue L'Artiste (9).
Rares sont les études portant sur la présence de la musique dans le lieu
privilégié de l'atelier du peintre (10),
devenu un lieu de rencontre et de représentation et d'identité de l'artiste
devant une nouvelle audience. Florence Gétreau a repéré trois tableaux qui
feraient office de « paradigmes de cette proximité », et dans
lesquels le musicien est comme « noyé au milieu d'une multitude
d'acteurs » : Une réunion d'artistes dans l'atelier d'Isabey
(1798) de Louis Léopold Boilly avec le compositeur Méhul sur la gauche, L'Atelier
d'Horace Vernet (1821) dont émerge le musicien Amédée de Beauplan parmi les
militaires les peintres, et enfin L'Atelier du peintre (1855) de Gustave
Courbet, où il a représenté le violoniste Alphonse Promayet (11).
Ce dernier tableau, qualifiée d'« allégorie réelle » par Courbet
lui-même, fait partie d'un ensemble de tableaux où il a représenté son ami
Promayet : Un Après-midi à Ornans (1848-1849), Un Enterrement à
Ornans (1850), ainsi que deux portraits du musicien 1847 et de 1851. À la
fois violoniste et violoncelliste d'après son Autoportrait de 1848,
Courbet avait même composé quelques chansons, complétant ainsi cet attrait
musical qui s'était déjà manifesté dans ses illustrations pour les recueils de
Max Buchon ainsi que de Champfleury et Weckerlin. Parmi ces visions
personnelles de leur lieu de travail, les peintres ont représenté leurs amis
musiciens à leurs côtés, laissant ainsi une trace de leur quotidien.
Conclusion
Le côté ostentatoire et
l'émancipation des artistes romantiques dans le vacarme de leur lieu de travail
se distinguent des représentations plus intimes des ateliers des XVIIe et
XVIIIe siècles. Tous démontrent néanmoins la permanence des liens entre les
arts, leur partage dans des milieux appartenant plus ou moins à une élite, mais
surtout la pratique conjointe chez les artistes eux-mêmes de la peinture et de
la musique.
Questions et remarques
(extraits de la discussion).
La discussion qui a suivi a été
l'occasion de soulever plusieurs points. Florence Gétreau a également souligné
à plusieurs reprises que cette intervention, et plus généralement la rédaction
de son prochain livre, était l'occasion d'approfondir plusieurs questions
esquissées dans ses précédents ouvrages, en reprenant notamment ses travaux de
2007. Dans l'élaboration de cette intervention, nombre de tableaux ne
correspondant pas au thème circonscrit de « l'atelier du peintre »
ont été mis de côté, en plus du XXe siècle que Florence Gétreau n'a volontairement
pas abordé.
- À
travers ce riche panorama, peut-on discerner des tendances dominantes dans ces
articulations diachroniques ? Y a-t-il une fonction ou un usage de la
musique qui traverse les siècles dans la représentation des ateliers ?
Florence Gétreau voit avant
tout dans ces diverses représentations de la musique le symbole de l'harmonie.
Que ce soit dans le thème de la vanité qui n'est présent que pendant les XVIIe
et XVIIIe siècles ou dans celui de la famille du peintre au XVIIIe, l'amitié et
la concorde sont souvent évoquées par les instruments d'harmonie avec le
clavecin, mais surtout le luth, facile à incorporer dans une composition
picturale complexe.
-
Par ailleurs, l'axe qui se dégage du chevalet ou
de la table du luth donne plus de profondeur et de trajectoire à la mise en
scène du tableau. Si la fortune picturale du luth est liée à une morphologie
qui se prête aux jeux de lumière et de plasticités, il reste un instrument de
l'élite tandis que le sistre, la guitare ou le violon, utilisés pour accompagner
la danse, sont souvent les apanages d'une catégorie sociale plus populaire.
Dans les tableaux caravagesques français ou romains, Florence Gétreau pense
qu'une mésinterprétation de ces scènes subsiste en les situant dans des lieux
de mauvaise de vie : il faudrait plutôt y voir une mise en scènes des
artistes entre eux, de leurs amis.
-
Comparaison et discussion autour de La Bohème
de Puccini, opéra dans lequel plusieurs artistes se réunissent.
- Le
peintre semble souvent privilégier la place des instruments à celles des
sculptures lorsque ces deux objets sont présents dans son atelier. Peut-on y
voir une référence au débat sur le Paragone de Léonard lorsqu'il
valorise la musique contre la sculpture ?
Cette double plasticité de
l'instrument et de la sculpture est souvent présente, note Florence Gétreau,
mais la question reste ouverte, même s'il est plus probable que les plâtres et
les sculptures étaient omniprésents dans l'atelier pour que les peintres
apprennent leur métier.
- Bien
que la musique ait d'abord été un art mathématique au Moyen Âge, elle s'est par
la suite désolidarisée des sciences. Il semble qu'il y ait de moins en moins
d'instruments scientifiques dans les tableaux. Dans ce cas-là, le musicien, en
perdant son compère scientifique, ne perd-il pas du sens allégorique pour
tomber dans la scène de genre ?
Les allégories des arts et des
sciences se trouvent encore jusqu'au XVIIIe siècle (par exemple chez Murat).
Florence Gétreau met en garde : il ne s'agit pas réellement d'une perte
pour un profit, ni d'une substitution. Quand les arts et les sciences sont
symbolisés, c'est sous forme d'objets ou de femmes. Au XIXe siècle, on trouve
plusieurs allégories des arts dans des lieux publics sous des formes plus
décoratives, où l'expressivité n'est pas le but premier. Cette question
mériterait un travail plus systématique et reste ouverte à l'interprétation de
chacun.