Légende de saint Julien l'Hospitalier, cathédrale de Chartres |
Compte rendu de la réunion Patrimoine et Langages Musicaux. Premier bilan scientifique du projet ANR Musiconis (2 juin)
• Introduction, Frédéric Billiet :
Frédéric
Billiet remercie l’équipe d’accueil Patrimoine et Langes Musicaux pour son
soutien et précise que la présentation de bilans scientifiques devant l’équipe
est importante non seulement du point de vue de la recherche, mais également
pour servir de modèle lors de la constitution de projets ANR par des membres de
l’équipe.
Depuis
septembre 2011 (début du financement du projet), un séminaire a été mis en
place sur le site de Clignancourt (2 rue Francis de Croisset, Paris 18e)
à destination des étudiants en Master et ce séminaire a été l’occasion de
discuter du modèle d’indexation et d’y apporter de nombreuses modifications.
L’activité de la recherche est importante autour de Musiconis, puisque déjà
trois thèses ont été soutenues : Welleda Muller en 2009 sur Les stalles, siège du corps dans les chœurs
liturgiques du Grand Duché de Bourgogne aux XVe et XVIe
siècles (à paraître chez Brepols Publishers), Xavier Fresquet en 2011 sur Les cithares-planche médiévales :
organologie, reconstitution et translatio musicae ; et Sébastien Biay
en 2011 sur Les chapiteaux du rond-point
de la troisième église abbatiale de Cluny (fin XIe-début XIIe
siècle) : étude iconographique. Ainsi qu’une habilitation à diriger
des recherches par Isabelle Marchesin en 2012 sur L’arbre et la colonne. Essai de sémiotique visuelle sur la porte de
bronze de Hildesheim (1015). Les séminaires qui ont vu les interventions
d’historiens de l’art (Alison Stones, Cécile Voyer, Eric Palazzo), de
littéraires (Jean-Marie Fritz, Isabelle Ragnard), d’historiens (Vincent
Debiais), d’organologues (Lionel Dieu, Christian Rault, Yves d’Arcizas) et de
musicologues (Christelle Cazaux-Kowalski, Katarina Livljanic), ont également
été l’occasion de faire vivre la recherche autour du projet et de modifier ou
d’affiner les critères d’indexation proposés dans la base.
Un
premier rapport a été rendu en février 2012 à l’ANR.
Frédéric
Billiet propose un séminaire au niveau doctoral à la Maison de la Recherche (28
rue Serpente, Paris 6e) pour l’an prochain.
Les
préoccupations majeures qui interviennent en ce moment sont liées aux
problématiques du visuel et de la dénomination des instruments pour un accès au
plus grand nombre. Une réunion portant sur ce point sera organisée avec les
post-doctorants, Frédéric Billiet, François Picard et Nicolas Meeùs.
• Point technique, Xavier Fresquet :
Xavier
Fresquet présente le volet technique faisant partie intégrante du projet ANR
puisqu’une recherche parallèle à la musicologie et à l’histoire de l’art a été
engagée à travers le développement du portail Musiconis en informatique. Plusieurs points importants sont à
soulever :
- la
mise en relation de différentes bases de données, le partage de critères
communs (données spatio-temporelles, relatives au format et à la technique, etc.).
- le
développement de nouveaux critères d’indexation (notamment des critères
organologiques précis et de nouveaux descripteurs du son sur un modèle
d’Isabelle Marchesin développé par les discussions issues des séminaires),
- la
mise en place d’un système de validation avec les partenaires (avec divers
« statuts » pour intervenir dans la base : administrateurs partenaires,
administrateurs Musiconis, correcteurs ; on fera un test sur un corpus
donné),
- la
création d’un lien « à double sens » entre les partenaires et le
portail Musiconis ; c’est-à-dire un lien vers la base partenaire sur
chaque fiche et un lien vers Musiconis sur la base distance.
Pour
le moment, l’intégration de fiches provenant des bases de données Musicastallis, Romane (et APEMUTAM), Enluminures
(IRHT), Sculpture (Centre A.
Chastel), Vitrail (Centre A. Chastel)
et Gothic Ivories Project (Courtauld
Institute, Londres) a été réalisée ou partiellement réalisée. Il reste à
intégrer Liber Floridus, le MIMO, Mandragore (BnF), le RIDIM et les images
du Centre François Garnier
(Association Rencontre avec le Patrimoine Religieux).
D’un
point de vue informatique, le projet Musiconis a permis la définition d’un
Document Type Définition pour l’iconographie musicale médiévale avec un modèle
de document XML complet (grammaire de classe de document) et ce modèle devrait
pouvoir être utilisé pour toutes les images musicales médiévales.
L’état
actuel des développements comporte :
-
un volet communication avec le blog qui permet de faire le point sur les
séminaires, de recenser les questions, les interrogations et ouvertures de la
recherche ; de présenter les actualités du projet, ainsi que les
bibliographies des intervenants aux séminaires,
- un
volet administratif (back-office) formant une interface fonctionnelle de saisie
des fiches hébergée par l’Université Paris-Sorbonne.
Avec
déjà 274 fiches réalisées, Musiconis présente un modèle complet de données
recensant 778 performateurs et 550 instruments sur les stalles, les sculptures
monumentales romanes et gothiques, les peintures romanes, les enluminures, les
vitraux et les ivoires gothiques.
En
ce qui concerne la chronologie du projet soumise à l’ANR, elle a été presque
inversée, puisque la mise en place du modèle d’indexation et des fiches est
intervenue plus tôt que prévu et qu’il reste à développer les liens avec les
bases distances et le moteur de recherche. Prenant pour modèle simple Musicastallis, la base Musiconis a
énormément développé son schéma et ses critères d’indexation.
Certains
freins sont néanmoins remarquables bien qu’inhérents à la mise en place d’un
tel projet. Ainsi, la création d’une structure de données tout en menant une
réflexion sur les champs a entraîné de nombreuses modifications de la structure
et des types de champs d’où la nécessité de revoir, corriger, préciser en
détail toutes les fiches déjà créées. La mise en place technique et celles des
partenariats a également entraîné des retards.
Xavier
Fresquet rappelle le partenariat avec CapDigital, un pôle de compétitivité à
dimension internationale qui comporte 700 adhérents (620 PME, 20 grands
groupes, 50 établissements publics, écoles et universités, 10 investisseurs, notamment
l’ANR). Ce partenariat nous permet de faire partie d’une communauté ingénierie
des connaissances : le NTAI (Nouvelles Technologies d’Analyse de
l’Information) avec des projets comme AMMICO (visites virtuelles de musées),
ASFALDA (analyse sémantique), etc. Cela forme un soutien possible de Musiconis
qui permettra un suivi technique du développement informatique du projet, une
mise en contact avec d’autres partenaires pour collaboration (front-office) et
une possibilité de partenariat avec accord de gré à gré avec les prestataires
de CapDigital (sur les fonds alloués par la labellisation).
Les
étapes restantes du projet sont :
- juin-septembre
2012 : corrections et ajouts de fiches, mise en place du moteur de
recherche et de la page de résultats ; le système sera fonctionnel avec
les liens vers les bases distantes en septembre.
-
septembre 2012-février 2013 : import des fiches partenaires, mise en place
d’un système de validation/édition.
-
mars-juin 2013 : Fin du développement en juin, phase de tests et
corrections jusqu’en juillet (fin des contrats de recherche) et septembre 2013
(fin du contrat de l’informaticien).
Puis
viendra une phase de communication autour du projet avec des interventions lors
de colloques nationaux et internationaux, des publications et l’organisation
d’un colloque Musiconis.
Appui-main, stalles de Saint-Pol-de-Léon |
• Développement de la communication, Jérôme Parbaile :
Au niveau du webmastering du futur site internet
Musiconis, l’idée était d’offrir un outil simple et fonctionnel. La page
d’accueil comporte donc le logo, un menu, le texte explicatif du site et un
moteur de recherche simple. L’actualité de Musiconis (l’actuel blog) est
renseignée avec la possibilité de s’abonner au flux RSS. Les tweets de
Musiconis apparaissent également. Enfin, l’image du mois permettra de créer un
dialogue avec les partenaires et les visiteurs du site. Il reste à travailler
sur l’ergonomie du site. La fiche, qui comporte pour l’instant beaucoup
d’informations, devra être plus facilement lisible ; les aspects des
résultats des recherches seront aussi à travailler. Une fois le site prêt, les
partenaires seront mobilisés pour créer une communauté et investir les médias
sociaux (ce qui est déjà en marche avec le blog et le compte tweeter : https://twitter.com/#!/musiconis) ;
il faudra établir des liens pour faire en sorte d’avoir une bonne position dans
les moteurs de recherche.
• Justification du modèle d'indexation, Sébastien Biay, Welleda Muller :
L’interface
administrative se découpe pour l’instant en neuf tables d’indexation pour
chaque fiche.
-
Tout d’abord les Informations Principales
sur la fiche (qui sont le plus souvent récupérées des bases partenaires), avec
le numéro de la fiche dans la base partenaire (indispensable pour effectuer le
lien ensuite), le nom de cette base et le titre qu’elle a donné à l’image
choisie. Un champ « titre Musiconis » a été ajouté pour permettre une
recherche plus facile des futurs visiteurs du site. Le « titre
officiel » renvoie à des noms d’œuvres conventionnels comme la « tapisserie
de Bayeux » (qui est en fait une broderie). Puis on renseigne la date de
trois façons : une fourchette avec « date début » et
« date fin » et le siècle (possibilité de mettre circa). La restauration est précisée car
elle peut modifier des éléments organologiques ou liés à la représentation du
son dans l’image ; il est rappelé que les images néo-gothiques ne seront
pas prises en compte dans le projet Musiconis tel qu’il a été soumis à l’ANR en
2011. Vient ensuite l’objet technique pour lequel un menu déroulant a été mis
en place avec les entrées : peinture murale, enluminure, sculpture sur
bois, sculpture sur pierre, sculpture sur ivoire, orfèvrerie,
broderie-tapisserie, relief en bronze, vitrail, marqueterie. Le type image sera
surtout utilisé dans le cas des enluminures car il faudrait préciser s’il
s’agit d’une initiale, d’une marge ou d’une miniature. Les numéros IconClass
sont également renseignés dans cette table pour offrir une dimension
internationale au projet et permettre l’interrogation dans plusieurs langues.
Enfin, un champ source littéraire renvoie aux sources primaires lorsqu’elles
sont évidentes, comme dans le cas de Tristan harpiste ou d’un proverbe parfaitement
identifiable.
- La
Localisation de l’image est divisée
en deux parties : la localisation actuelle et la localisation d’origine,
la distinction étant nécessaire notamment pour les manuscrits. La localisation
d’origine comporte des menus déroulants pour caractériser le « type
d’édifice » auquel on a affaire ainsi que la localisation spatiale précise
dans un édifice religieux notamment, par exemple : abbaye monastique,
chapelle.
-
Vient ensuite la table Performateurs
qui permet d’indexer ce qui est relatif aux musiciens, chanteurs ou danseurs.
On renseigne leur type qui peut être double (musicien et jongleur par exemple) ;
une entrée « orchestique » permet de choisir entre : animation
remarquable des corps, figure acrobatique, danse et jonglerie. La danse et la
figure acrobatique peuvent ensuite être spécifiées grâce à des menus
déroulants. Le genre et la qualité du personnage sont précisés ; les
qualités pouvant être multiples (par exemple : personnage biblique,
berger), un thesaurus a été mis en place, ce qui permettra de faciliter les
futures recherches dans la base. Si la vêture n’est pas nécessairement
signifiante pour l’époque romane, elle est en revanche importante à l’époque
gothique puisqu’elle permet de situer une chronologie et de préciser la qualité
d’un personnage, c’est pourquoi un champ spécifique a été créé. La posture est
également à renseigner dans un champ libre. Pour les chanteurs, un menu
déroulant a été mis en place pour préciser les ouvertures de la bouche
(ouverte, entre-ouverte, fermée, etc…).
-
Dans les cas très fréquents où il y a plusieurs performateurs dans une seule
image, il a semblé indispensable de créer une table consacrée aux Relations Spatiales entretenues par ces
personnages. Tout d’abord, on précise leur nombre, leur situation les uns par
rapport aux autres (face à face, dos à dos, etc.) toujours à l’aide d’un
thesaurus ; ensuite, on précise si un objet ou un personnage intervient
dans la scène (par exemple un arbre, le Christ, etc.) Les relations au support
écrit sont également à renseigner dans cette partie ; elles concernent
surtout les chanteurs qui sont très souvent mis en présence d’un livre posé sur
un lutrin ; le fait qu’ils tournent les pages ou posent la main sur le
livre est intéressant à indexer pour les futures recherches. Liés à la posture
et aux relations spatiales, les marqueurs de direction musicale permettent de
mettre en évidence la pratique de tactus différents
(de contact, en l’air, etc.). Une dernière entrée a été créée pour caractériser
les relations de volume sonore entre ce qu’on appelle les hauts et les bas
instruments ; un thesaurus est en cours d’élaboration pour remplir ce
champ avec lequel il convient de rester prudent (l’ouvrage de référence en la
matière est celui de Luc-Charles Dominique dans Musiques savantes, musiques populaires. Les symboliques du sonore en
France 1200-1750, éd. CNRS, 2006). Enfin, toujours dans le cas de plusieurs
performateurs, on peut renseigner les types d’ensembles musicaux (chanteurs ou
musiciens) visibles sur l’image sous une forme numérique ; il n’est en
effet pas rare d’avoir deux musiciens jouant ensemble d’un côté et trois autres
d’un autre (ce qui donne 2, 3).
-
La table Instruments comporte des
critères organologiques très précis relatifs aux cordophones, aérophones,
membranophones et idiophones, mais également à propos de la tenue et du mode de
jeu des instruments. La problématique que pose cette table est la cohabitation
de termes issus de la classification Hornbostel & Sachs et de termes
« médiévaux ». Selon Nicolas Meeùs (qui n’était pas présent mais à
répondu à de nombreux mails à ce sujet), « la classification H&S a le
mérite de n’utiliser que des noms abstraits, déconnectés des usages spécifiques
– avec les problèmes que cela provoque, luth
pour des instruments que personne n’a jamais appelé comme cela, par exemple
– ; mais le reproche est injustifié, puisque précisément il ne s’agit pas
de noms d’usage. On peut faire l’un ou l’autre, une nomenclature abstraite,
classificatoire, ou une nomenclature concrète, proche de l’usage – mais alors
il faut choisir l’usage, son aire géographique et chronologique, parce qu’il
n’est pas imaginable qu’une nomenclature rende compte de tous les usages (des
dictionnaires existent pour cela) ». François Picard insiste sur le fait
que ces termes d’instruments doivent être interrogeables dans toutes les
langues (en tout cas en anglais, français et allemand) et que la classification
H&S permet de répondre à cette nécessité. L’intervention de termes
« vernaculaires » pose le problème de la définition de ces termes,
aucun consensus n’ayant été trouvé pour de nombreux termes et certains ayant
été employés pour qualifier des instruments différents suivant des variables
régionales. Le MIMO a tenté de trouver des descripteurs transculturels et
inter-langage avec la classification H&S ; ce serait un exemple à
suivre. Des critères organologiques précis pourraient en outre permettre de
qualifier précisément certains instruments (tels les fonds plats ou bombés). Toutefois,
il est certain que des interrogateurs de la base vont chercher des termes comme
« muse » qui n’ont pas de réalité historique ou des termes impropres
comme le rebec pour qualifier les petites vièles à trois cordes de l’époque
romane, il faut alors réfléchir à un système de renvois pour l’interrogation
future. Philippe Laublet indique qu’il est possible d’élaborer un système de
requêtes plus subtiles avec un catalogue de mots reliés ou voisins, afin de
faciliter la recherche des futurs utilisateurs de la base et de leurs proposer
des alternatives à leurs recherches de termes vernaculaires.
-
Les instruments et les performateurs sont reliés entre eux, ce qui est
particulièrement utile lorsqu’une image comporte plusieurs musiciens jouant
d’instruments différents.
-
La table Son, comme la table
suivante Analogies, est pourvue de descripteurs permettant d’entrer
véritablement dans la recherche de la représentation du son dans les images
médiévales. Tous les champs de ces pages sont libres avec la constitution d’un
thesaurus et la possibilité d’argumenter les choix dans un champ commentaire.
La première entrée concerne l’action du son dans l’image qui est généralement
visible dans « l’entourage » du musicien ou du chanteur. La notation
musicale, les signes et-ou les métaphores visuelles du son sont également
indexés dans cette table, ainsi que leur position dans l’image. Les références
à la théorie et à la perfection musicales permettent de renseigner la présence
d’intervalles, d’accords, de consonance ou de dissonance. La classification des
instruments (tripartition isidorienne, classe instrumentale unique) intervient
également dans cette table. Une source d’inspiration musicale dans l’image peut
également se présenter (Muse, Saint-Esprit) et ne sera pas négligée ici. Un
champ « univers référentiel du son » a été créé pour spécifier le
« type » de musique auquel on a à faire (par exemple musique
liturgique, musique parodique, musique angélique, etc.). Certains éléments sont
encore à créer pour pouvoir spécifier tous les univers référentiels du son
intervenant dans les images médiévales. Enfin, un dernier champ permet de
renseigner la propagation du son et les marqueurs de l’audition chez un
éventuel auditoire de la performance musicale.
- La
dernière table est consacrée aux Analogies
ou résonances iconographiques. Elles sont de quatre types : les analogies
géométriques (symétrie par exemple), formelles (corps-instrument par exemple),
chromatiques et quantitatives (proportions, système de nombres, etc.). Faisant
le lien entre la performance musicale et son environnement, elles seront utiles
dans une perspective de recherche sémiotique.
• Ouverture de la recherche (avec la participation de Michèle Alten, Karine Boulanger, Philippe Laublet,
François Picard, Theodora Psychoyou) : Les participants insistent sur la nécessité
d’établir un système clair, notamment pour définir les instruments, mais
également pour indexer les performateurs et le son dans les images. L’aspect
subjectif des tables « son » et « analogies » est pointé,
d’où la nécessité de justifier ces nouveaux critères d’indexation dans la
future base. L’élaboration d’hypothèses sur les images (à travers la table
analogie principalement) est également remise en question, étant donné le
danger que cela représente au niveau de la fixation d’un sens sur
l’iconographie musicale. Toutefois, si l’attribution d’une dimension
signifiante aux différents éléments iconographiques dans la représentation du
son peut susciter des interrogations, la constitution de séries permet d’étayer
la pertinence de ces observations.
Welleda Muller
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