mardi 2 avril 2013

Compte rendu du colloque sur le costume de scène

Compte rendu du colloque "Le costume de scène, objet de recherche"
20-22 mars 2013, CNCS de Moulins

CNCS, Moulins
Le Centre National du Costume de Scène à Moulins a été créé en 2006 pour accueillir les costumes de l’Opéra Garnier, de la Comédie Française et de la BnF, avant de conserver les dons des costumes dessinés par Christian Lacroix et la collection du danseur Rudolf Noureev (http://www.cncs.fr/). Le CNCS a organisé un premier colloque sur "Le costume de scène, objet de recherche", rassemblant les principaux spécialistes du costume à travers les siècles, ainsi que de très nombreux auditeurs.
  Christian Biet (Université Paris Ouest Nanterre) introduit le colloque en présentant les problématiques inhérentes aux recherches sur le costume : une typologie et une logique du costume de scène sont-elles possibles ? Est-il possible de restituer l’objet costume et de connaître son efficacité dans l’action ? Quelles sont les rapports entre le corps du comédien et ses diverses enveloppes ? 
  Delphine Pinasa (directrice du CNCS) ouvre la première session sur les outils de la recherche en présentant les difficultés comme la nécessité de considérer le costume de scène comme un "objet". La matérialité des costumes pose en effet une série de problèmes de conservation et de présentation muséale puisque le costume ne se conçoit que dans le cadre d’une performance ; que faire alors lorsqu’il en est déconnecté ? Camille Broucke (CNCS) présente une série de réponses mises en place au CNCS : préserver (les costumes sont souvent fragiles par leur ancienneté et par l’emploi de matériaux qui se dégradent, la restauration est très limitée pour le moment), enrichir (un tri est nécessaire et il s’opère en fonction des qualités esthétiques du costume et de l’importance de la production, du comédien et éventuellement du créateur), étudier, valoriser (deux expositions par an, problématique de la mise en scène des costumes). Nicole Pellegrin (Musea) parle ensuite de "la nonne en ses costumes de théâtre" du XVIIIe au XXe siècle et de la mise en scène transgressive des religieuses dans le théâtre révolutionnaire. Noëlle Giret (Bibliothèque-Musée de la Cinémathèque Française) et Martine Kahane (Arts Florissants) introduisent l’exposition « Costumer le pouvoir » qui comporte des costumes de théâtre et de l’opéra d’une part et du cinéma de l’autre. 
Costumes du film Vatel, exposition "Costumer le pouvoir"
  Poursuivant la session le lendemain, Sandrine Dubouilh (Université Michel de Montaigne, Bordeaux) reprend la problématique du costume de scène en tant qu’objet de recherches scénographiques et du paradoxe d’un objet de scène devenu objet du patrimoine en proposant d’intégrer la vocation scénique ainsi que la matérialité des costumes dans les expositions. Jacqueline Razgonnikoff (Comédie Française) relate ensuite son expérience de bibliothécaire-archiviste à la Comédie Française ; dans son travail sur des documents comptables remontant au XVIIe siècle, elle montre l’importance du costume dans la construction d’un rôle et les dépenses parfois somptuaires qui sont consacrées à sa fabrication et à son entretien.
  Didier Doumergue (Université de Lorraine) ouvre la seconde session sur anthropologie et ethnologie en abordant le thème de la pensée d’Aby Warburg pour la recherche sur le costume de scène. Virginie Johan (Institut d’Études Théâtrale de Paris III) parle ensuite des "pièces-outils" du costume faisant signe, en prenant pour exemple le jeu de l’écharpe et des pans de la jupe dans le Kutiyattam du Kerala. Mariem Guellouz (CANTHEL-Université Paris Descartes) aborde la question du voile au Maghreb, de la vie quotidienne à la scène artistique, montrant les ruptures et continuité du maniement de ce tissu qui peut prendre différentes formes. Enfin, Virgina Preston (University of Stanford, ENS) présente les costumes des estropiés dans les ballets du XVIIe siècle, en particulier le dispositif des prothèses et des faux moignons pour des acteurs valides.
  Parallèlement, une session sur l’Ancien Régime et la Réforme commence par l’intervention de Philippe Cornuaille (Université Paris-Sorbonne) sur la découverte de gravures des costumes extravagants de la Bradamante ridicule (comédie perdue, commandée à la troupe de Molière par Louis XIV en 1664) sur des écrans de feu. Anne Verdier (Université de Lorraine) poursuit en abordant "l’affaire des paniers" et l’adoption d’une robe à paniers sur scène par Adrienne Lecouvreur en 1725, puis son rejet par Marie Sallé en 1734 et surtout par Melle Clairon en 1745 ; montrant que cette mode est venue de la scène et y a disparu. Damien Chardonney-Dairmaillacq (Registrer Project) aborde la tentative de rationalisation du costume et de sa place dans la mise en scène par le comédien Henri-Louis LeKain dans la seconde moitié du XVIIIe siècle dans un registre particulièrement détaillé. Sarah Di Bella (Université de Nanterre) conclu cette session en posant la question de la pudeur et des liens entre le costume et la discipline dans le discours réformateur aux XVIe  et XVIIe siècles.
Moresque, ms. fr. 51, f. 171, (c) BnF
  La troisième session est consacrée aux relations entre le costume et l’histoire. Le grand metteur en scène Jean-Marie Villégier raconte sa longue collaboration avec le costumier Patrice Cauchetier et les multiples fonctions qu’on pu remplir les costumes créés dans les différentes mises en scène de théâtre de répertoire. Welleda Muller (Université Paris-Sorbonne, ANR Musiconis) présente ensuite le costume des jongleurs puis des musiciens professionnels entre la fin du Moyen Âge et le début de la Renaissance en mettant en évidence l’idée qu’il s’agissait de "signes visuels" de la performance. Poursuivant la chronologie, Joël Huthwolh (BnF) montre l’évolution du costume d’Arlequin en France entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. 
Arlequin
  La quatrième session est intitulée "costume et politique" et est ouverte par Gaylord Brouhot (Université Panthéon-Sorbonne), qui présente le vêtir de Cosimo I de’ Medici comme métaphore identitaire du corps princier du duc de Florence et de Sienne. Marie-Noëlle Semet (Université Panthéon-Sorbonne) aborde le sujet de la crise grecque actuelle et du costume comme moyen d’expression politique dans ce contexte difficile où le rire et le carnaval sont salutaires. Vincent Dorothée (Université Panthéon-Sorbonne, GRANIT) poursuit avec l’exemple du Ballet des Fées des Forests de Saint-Germain de 1625 dans lequel il met en évidence le "double jeu" du costume. Martial Poirson (Université de Grenoble 3) aborde le costume en tant qu’effigie dans le spectacle allégorique à l’âge classique et son évolution au XVIIIe siècle.
  Georges Vigarello (EHESS) inaugure la cinquième session consacrée au corps, en montrant quelques changements décisifs du vêtement au XIXe siècle et en particulier les évolutions de la robe qui va de pair avec celles de la perception du corps féminin. Sylvie Roques (Centre Edgard Morin) présente les résultats d’une enquête effectuée auprès d’acteurs contemporains interrogés sur leur vision du costume de scène, entre peau et seconde peau.
  La sixième et dernière session est consacrée au costume et à la modernité. Paola Bignami (Université de Bologne) évoque la façon dont sont gérés les stocks de vêtements des acteurs de cinéma et de théâtre en Italie et ce que les costumes apportent à la construction des rôles des acteurs contemporains. Lucile Lambert (Paris-Sorbonne) parle ensuite du rôle social manifesté par le costume et de la problématique de son investiture. Laura Capelle (Université Sorbonne Nouvelle) aborde la question du genre dans l'étude des costumes créés par Christian Lacroix pour la recréation en 2011 du ballet La Source. Sylvie Perault (CERPCOS) remarque lors de la décentralisation théâtrale l’engagement d’artistes peintres pour la scénographie et les costumes, et de fait, l’incarnation d’un idéal politique en action. Frédérique Debril (Maison Jean Vilar, Avignon) poursuit le propos en parlant des rapports entre Jean Vilar et les peintres en présentant l’exemple des maquettes conservées à la maison Jean Vilar. Gwenaëlle Moine (Université Paris-Ouest de Nanterre) clos la session en questionnant la mise en scène et les costumes dans le théâtre de répertoire à l’époque contemporaine.
  Le colloque sur le costume de scène est conclu par la communication de Guy Spielmann (Georgetown University) intitulée : "Penser le costume dans l’événement-spectacle", dans laquelle il explique que le costume résulte d’une semiosis qui n’est activée que dans un cadre spatio-temporel précis ; de ce fait, la nudité peut avoir la fonction de costume, de même que les vêtements de ville étant donné leur valeur symbolique dans l’événement-spectacle.
Welleda Muller
 

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