jeudi 6 décembre 2018

création d'un cours en ligne gratuit, ouvert à tous, autour de la vie musicale au XVIIe siècle.

Participez à la création d'un cours en ligne gratuit, ouvert à tous, autour de la vie musicale au XVIIe siècle ! 


La musique baroque, d’une façon générale, est un patrimoine qui doit vivre et s’ouvrir sans cesse à de nouveaux publics. Sorbonne Université participe - avec des partenaires tels que le Louvre, le Festival d’Ambronay et l’Ensemble Correspondances -  à la création d’un cours en ligne appelé « MOOC », gratuit, ouvert à tous, qui se présente comme un voyage musical dans la France du XVIIe siècle.

La technologie se met au service du patrimoine pour concevoir un outil accessible à tous, traduit en anglais et enrichi de nombreuses ressources visuelles, sonores et virtuelles !

Pour soutenir ce projet, 3 possibilités s'offrent à vous :

·         aider à financer sa réalisation sur la plateforme ulule,
·         contribuer à le faire connaître en partageant l'information sur les réseaux sociaux,
·         laisser un commentaire sur la page Ulule du projet.
Nous avons jusqu’au 21 décembre pour collecter 15000 € ! 

Merci de votre aide ! 

samedi 10 novembre 2018

Septième journée d’étude intitulée "La musique dans les autres arts : poïétique, fonction, signification"

Musiconis a le plaisir de relayer cette information : 

Bonjour à tous,

Le groupe des Jeunes Chercheurs du GREAM prépare sa septième journée d’étude intitulée "La musique dans les autres arts : poïétique, fonction, signification", qui aura lieu le vendredi 8 février 2019 à l’université de Strasbourg. S'adressant particulièrement aux jeunes chercheurs docteurs et doctorants, elle s’intéressera aux œuvres qui mélangent la musique avec d’autres arts et les différents types d’hybridation qui en ressortent. Vous trouverez ci-joint l’appel à communications qui contient la description de la thématique générale et les informations pratiques de l’événement. L’appel à communications est ouvert jusqu’au 16 novembre prochain. Nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire,

Avec tous nos remerciements,
Bien cordialement,

Camille Lienhard et Julie Walker
Université de Strasbourg
Labex GREAM 
EA 3402 - ACCRA 

mercredi 17 octobre 2018

Appel à candidatures FAB-Musiconis 2019

Appel à candidatures
FAB-Musiconis
Programme 2019

« Partner University Fund » (Fondation FACE), Columbia University et Sorbonne Université se sont engagés dans un  programme de trois ans en faveur des étudiant.e.s de Master ou de Doctorat qui souhaitent recevoir une formation spécialisée en sciences humaines numériques à partir de  l'analyse des représentations du son au Moyen Age. 
Les apprentissages de l’indexation numérique se feront sur la base de données Musiconis (UMR IREMUS)  à partir d’un tutoriel en ligne et seront complétés par des cours, des séminaires et des visites de centres de ressources et de musées lors des sessions à New-York et à Paris.

Voir le programme sur le site
 
https://edblogs.columbia.edu/musiconis/
et
http://musiconis.huma-num.fr/

Ce programme d’échange non-diplômant de haut-niveau est ouvert aux étudiantes et aux étudiants médiévistes inscrits à Columbia ou à Sorbonne-Université dans les formations de Master et de Doctorat en Histoire de l'art, Littérature, Études médiévales, Musique et musicologie ou toute autre discipline liée à la thématique de l’enseignement proposé. 

Cette année, six étudiantes ou étudiants de chacune des deux universités auront la chance de travailler intensivement avec leurs homologues et les équipes de recherche de l'autre institution pendant deux périodes de deux semaines. 

La première session de travail aura lieu à Paris du  6 au 20 janvier 2019, la deuxième session aura lieu à New York du 23 avril au 7 mai 2019. Seront pris en charge par la Fondation : les frais de voyage, de transports collectifs, d'hébergement, de visites de musées, la plupart des repas. Les candidates et les candidats retenus devront participer à l'ensemble des activités.

Pour postuler, il suffit d’envoyer une lettre de motivation, un CV, et les relevés de notes de Licence ou de Master aux deux responsables du programme 

Susan Boynton (slb184@columbia.edu) et  

avant le 3 novembre 2019 (résultats le 8 novembre).

La lettre de motivation doit montrer l'intérêt et les compétences acquises  pour suivre le programme et expliquer comment l'échange pourrait s’inscrire utilement dans le parcours d’étude et de recherche du candidat ou de la candidate. La maîtrise de l’anglais est indispensable.



Detail from the right leaf of an ivory diptych with the Coronation of the Virgin and angel musicians, Venice (?), late fourteenth century. New York, Metropolitan Museum of Art, The Cloisters Collection, 1971 (photo: www.metmuseum.org)

lundi 8 octobre 2018

LA MUSETTE, UN INSTRUMENT DE COUR, UN INSTRUMENT TOUT COURT.


 PROJET DE JOURNÉES D’ÉTUDES INTERNATIONALES 

THÈME : 


LA MUSETTE, UN INSTRUMENT DE COUR, UN INSTRUMENT TOUT COURT

Résumé :


La musette, petite cornemuse savante utilisée dans la musique de la cour de France, entre la Renaissance tardive, et la fin de l’époque baroque, vers le milieu du XVIIIe siècle, a bénéficié par ailleurs d’un engouement extraordinaire de la haute société dans le cadre d’une pratique amateur.

Annonce :


Appel à contribution pour les journées d'études internationales autour de la musette de cour
France / Normandie - Université de Rouen 27, 28 et 29 Mai 2019

Argumentaire:


La musette, cornemuse  utilisée abondamment dans la musique de la cour de France, entre la Renaissance tardive et la fin de la l’époque baroque, a suscité un engouement extraordinaire, touchant une société aristocratique avide de musiques pastorales, qui la pratiquait volontiers, souvent en compagnie de la vielle. Débuté à la fin du XVIIe siècle, ce phénomène, touchant jusqu’à la famille royale, a connu son apogée entre les années 1720 et 1760 et a conduit les compositeurs français, tels Boismortier, Corrette ou les frères Chédeville (pour ne citer que les plus prolifiques), à éditer un volume de musique de chambre impressionnant, comprenant près de 200 livrets de partitions, plaçant ainsi la musette juste derrière le violon et la flûte traversière. S’est diffusé alors, au cours de la première moitié du XVIIIème siècle, un répertoire riche et varié, allant de « petits airs » (danses, vaudevilles, brunettes, etc.) à des sonates et concertos nécessitant une réelle virtuosité, sur cet instrument dont la facture instrumentale n’a cessé de se complexifier. Des parties de musettes sont  également présentes en nombre dans des opéras, de Lully à Rameau…
La musette s’est éteinte, emportée par la fin du style musical baroque, dans les années 1760. Si elle a subsisté en représentation dans les arts décoratifs jusqu’à la fin du XIXe siècle, sa pratique musicale a totalement cessé, pour ne renaître que bien longtemps après, au tout début des années 1980, à la faveur du regain d’intérêt pour la musique ancienne de cette période. Depuis, sa pratique n’a cessé de croître, l’instrument est aujourd’hui enseigné dans certains conservatoires (Toulouse puis Versailles en France, Louvain en Belgique…) disposant d’un département de musique ancienne.

Ces journées d’études ont donc pour objet de mieux faire connaître et de valoriser davantage la musette dans tous ses aspects. Elles s’adressent aux spécialistes, comme aux simples mélomanes et à toute personne intéressée. Elles proposent des événements de différentes natures qui associent chercheurs, fabricants, praticiens et amateurs éclairées. La localisation de ces journées en Normandie apparaît comme une évidence du fait des liens étroits que la région et le monde de la musette entretiennent depuis toujours. Outre le fait que Michel Corrette (1707-1795), qui a beaucoup composé pour la musette soit natif de Rouen, le « noyau dur » de la facture de la musette aux XVIIe et XVIIIe siècles, avec les deux familles Hotteterre et Chédeville, est localisé dans le secteur de La Couture-Boussey dans l’Eure. Si certains membres de ces deux grandes dynasties de facteurs se sont installés dans la capitale pour se rapprocher de leur clientèle de la cour de Versailles, ils ont toujours conservé des liens importants avec leur lieu d’origine. Ils ont cumulé, à Paris, leur activité de facteur d’instruments, avec celles de maître de musette et de musicien du roi.
Enfin, la grande faveur dont a bénéficié la musette de cour à son époque participe de la naissance et de l’évolution de nombre de genres artistiques susceptibles d’intéresser toutes celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire, la musicologie, l’histoire de l’art et à la littérature : Ancien Régime, organologie, pratique et répertoire, Iconographie, naissance et évolution de la Pastorale, théâtre parlé et théâtre lyrique, etc.

Modalités pratiques

Les communications d’une durée de 45 minutes seront suivies de 15 minutes d’échange. Les frais de voyage et de logement seront pris en charge pour tous les intervenants. Les propositions de communication de 300 mots, accompagnées d’un bref curriculum vitae et d’une liste de publications, sont à envoyer
avant le 31 décembre 2018.
Informations en ligne : nous vous invitons à vous rendre sur le site internet des Musiciens de Saint-Julien - http://www.lesmusiciensdesaintjulien.fr/ 



Description du projet :

Les journées d’études internationales se dérouleront les 27, 28 et 29 Mai 2019 et se déclineront en une série de conférences centrées sur l'instrument, sa facture et sa pratique suivies de tables ronde et de concerts.
- L'historique de la musette. (Les musettes anciennes conservées)
- Le point sur la facture instrumentale. État des lieux de la recherche
- Les Normands à Versailles: De la Couture à la capitale.
- L'iconographie de la musette. Tour d'horizon des représentations.
- L'ornementation et l'articulation à partir de la méthode de Hotteterre.
- Le répertoire appliqué à la danse. Danse et Cadence.

Les travaux universitaires seront ponctués de moments musicaux témoignant de la vitalité de la pratique de l'instrument:
Récitals
Concerts
Présentation d'ateliers
bal baroque

Les luthiers seront étroitement associés aux journées d'étude et une place particulière leur sera réservée.

Une visite thématique de la ville de Rouen sera proposée : 
Rouen, la ville au cent musettes

Ces journées se dérouleront parallèlement au stage annuel consacré à la musette et à la vielle à roue baroques, animé par l’ensemble Les Musiciens de Saint-Julien (dir. François Lazarevitch) les 8, 9 et 10 juin 2019

Organisateurs du projet :

Université de Rouen : Association des laboratoires du CéRéDI et du GRHIS compte tenu de l’ampleur du projet et des thématiques qu’il met en œuvre.

Association : « Les Musiciens de Saint-Julien », directeur artistique François Lazarevitch, 4 rue Adrien Pasquier 76000 Rouen. Co organisateur, notamment pour la partie musicale.


Lieu:
Maison de l'Université Mont-Saint-Aignan

Dates:
27, 28 et 29 Mai 2019



Mots clé:
histoire, musicologie, histoire de l’art, littérature, Ancien Régime, organologie, pratique et répertoire, iconographie, pastorale, théâtre parlé , théâtre lyrique, musette baroque, Versailles, Normandie, facture instrumentale. 

Contact:
François Lazarevitch: f.lazarevitch@gmail.com


mardi 11 septembre 2018

XIII Misericordia International Colloquium 2018 : Choir Stalls and their Patrons

Un colloque sur les stalles se tiendra du 13 au 16 septembre à Rijeka en Croatie. Frédéric Billiet (Sorbonne Université, Musiconis, Musicastallis) interviendra le 13 septembre. 






























vendredi 13 juillet 2018

C. Vendries : Le musicien des jeux dans la Rome antique et les lieux de spectacle.


Le musicien des jeux dans la Rome antique et les lieux de spectacle : performance, acoustique et lieux de spectacle.
Par Christophe Vendries (Univ. Rennes II).
Communication du mercredi 17 mai 2017, INHA, salle Fabri de Peiresc.

Compte rendu de la conférence : Boris Courrège, 30 mai 2017.

Depuis que les jeux publics à Rome sont envisagés dans leur dimension anthropologique, la question des performances et de la perception sonore est davantage prise en compte. La relation entre les musiciens et les lieux de la musique est encore un domaine peu étudié. Les sources de documentation sont abondantes, dans la littérature et dans l’iconographie, et font émerger une « culture commune » des spectacles à l’échelle de l’Empire. La difficulté majeure est de situer le musicien dans un contexte et dans un espace bien déterminés, aucun document n’identifiant clairement la place qui lui est dévolue. Tertullien déclare que les spectacles s’adressent « aux yeux et aux oreilles », ce qui évoque pour nous l’idée d’un « spectacle total ». Le musicien y est rarement l’acteur principal, mais il accompagne l’acteur, le gladiateur, le magistrat. La seconde difficulté est d’identifier le contexte du spectacle représenté : est-ce la commémoration d’un spectacle précis, ou bien le témoignage d’un attachement à la culture classique ? Aussi la lecture de ces images reste-t-elle ouverte.

Les monuments fournissent les formes adaptées aux différents types de jeux ou ludi : le théâtre (jeux scéniques), l’odéon (poésie et théâtre), l’amphithéâtre (gladiature et chasses), le cirque (courses de char), et le stade (jeux gymniques).Un document nous plonge dans l’ambiance des jeux d’une cité italienne : le relief de Castel Sant’Elia, où figure au centre de la scène d’un théâtre le magistrat municipal, tandis que joue un tibicen, joueur de tibia, ou de double hautbois, dont on ne sait s’il se trouve sur la scène ou s’il joue pour la cité. Dans une salle à manger, ou triclinia, d’une villa de Miriamin, en Syrie, une mosaïque présente un ensemble de musiciens sur une estrade en bois : joueurs d’orgue, de cithare, de crotales, d’auloi. Ici intervient de nouveau la difficulté de la contextualisation. Le domaine scénique est le plus abondamment traité dans l’iconographie, le théâtre étant le lieu privilégié de la musique, et le tibicen en est le principal musicien, comme nous l’apprennent les didascalies des comédies de Térence. L’iconographie diffuse les cartons hellénistiques, comme l’illustre une série de documents montrant une même scène du théâtre de Ménandre (dans son Théophorouménè), où figurent des joueurs de cymbales, de tympanon, un acteur soufflant dans des auloi à travers son masque, etc., reprise de multiples fois à travers les lieux et les époques jusqu’au IIIe s. Entre temps, les cartons hellénistiques ont été « réactualisés », les auloi grecs ayant fait place aux tibia romaines.

Par ailleurs, on constate une hybridation entre les concours musicaux et les jeux latins, comme le montrent les pavements d’époque tardive (vers 400) de la villa de Noheda en Espagne, située à l’écart des grandes cités, qui présentent des scènes de pantomimes et de jeux dans la tradition grecque, où l’on reconnaît le proscaenium d’un théâtre romain, et où se produisent mimes et musiciens (joueurs d’orgue, d’auloi, de cithare). La question de la contextualisation se pose d’autant plus qu’à la même époque les théâtres, qui ont cessé de fonctionner, sont détruits. Une énigme analogue est posée par la mosaïque du palais de Piazza Armerina en Sicile, d’époque tardive elle aussi (vers 330).

L’autre grand domaine est celui de la gladiature, qui jouit d’une grande popularité et tend à détrôner le théâtre. Les musiciens y occupent une grande visibilité, bien que simples auxiliaires, et sont essentiellement représentés par les joueurs de cornu, trompette droite, et de tuba, trompette courbe. Ici encore, la place précise dans l’amphithéâtre reste indéterminée. Une gemme du 1er s. ap. JC. montre des joueurs de cornu et de tibia accompagnant les gladiateurs et l’arbitre. Un relief de Fiano Romano montre un cornu sonnant la mort d’un gladiateur. Ces instruments suppléent peut-être à la mauvaise acoustique du monument, qui nécessite une portée sonore puissante, quoi que leur emploi se justifie aussi par leur évocation des thèmes de la  mort et de la guerre. Quelquefois ils sont accompagnés d’un orgue, comme on le voit sur la mosaïque de Nennig, en Allemagne, ou sur celle de Zliten en Tunisie, où une femme organiste est entourée de cornicines et d’un tubicen, ce qui laisse supposer de plus grandes possibilités mélodiques.

Le tubicen intervient par ailleurs au cirque, dont la qualité acoustique est encore plus faible. Sur une mosaïque de Piazza Armerina, il prend place sur l’arène, alors qu’on s’attendrait à le trouver en tribune. Il accompagne également les jeux gymniques aux thermes de Baten Zemmour en Tunisie, dont les mosaïques répertorient les diverses épreuves, alors qu’un aulète rythme les sauts d’un athlète, en conformité avec le Traité de gymnastique de Philostrate (IIIe s.).

En conclusion, alors que se pose la question de la pérennité de la tradition des spectacles à travers l’histoire romaine, une transmission s’est opérée à l’époque de l’Empire byzantin, lequel conserve dans son cérémonial les courses de char, comme l’illustre l’Obélisque de Théodose, dont la partie basse met en scène deux orgues, représentant les factions, des danseurs et musiciens, tandis que l’empereur figure dans sa loge, perpétuant ainsi le rapport entre les spectacles et le pouvoir.




vendredi 8 juin 2018

« L’iconographie des fêtes de Versailles au XVIIIe siècle : le cas des bals parés (1739-1775) » intervention de Raphaël Masson.


Compte-rendu de l’intervention de Raphaël Masson
(Conservateur en chef du Château de Versailles)
Mercredi 21 Mars 2018, BnF.

Compte-rendu rédigé par Florentin Morel.


A l’occasion de conférences organisées par Sorbonne Université, l’IReMus, la BnF et le centre Châtel, une intervention autour de « L’iconographie des fêtes de Versailles au XVIIIe siècle : le cas des bals parés (1739-1775) » eut lieu au Centre Richelieu de la BnF le mercredi 21 mars 2017 à 14h30. Cette conférence fut animée par Raphaël Masson, conservateur en chef du Château de Versailles et grand spécialiste des fêtes versaillaises. 
Tout d’abord, afin d’éviter toute confusion possible, Raphaël Masson distingua bien la différence entre bals parés et bals masqués. En effet, beaucoup plus rare, le bal paré est un spectacle monarchique, une réception, organisé dans le cadre d’un mariage ou d’un évènement dynastique. Le chercheur en énuméra seulement sept ayant eu lieu au XVIIIe siècle. Ces bals parés furent donnés dans trois lieux différents : le salon d’Hercules, salon le plus spacieux du Château de Versailles, dans lequel des gradins furent installés afin d’accueillir les invités (1739), mais également dans les grandes écuries où un théâtre provisoire fut construit (en 1745 et 1747) et dans l’enceinte de l’opéra royal pour les bals parés suivants. 
Durant son intervention, Raphaël Masson insista sur la stricte codification de ces évènements et détailla leur organisation. En effet, l’organisation des bals parés était placée sous l’autorité directe du roi, déléguant cette tâche à son premier gentilhomme. Les dames de la noblesse et de la Cour y étaient invitées pour assister ou danser. Chaque invitation respectait la hiérarchie sociale et le rang des invités. Les personnes, ne dansant pas, recevaient des cartons d’invitation (dont la couleur changeait selon le placement) pour assister au bal, comme s’il s’agissait d’un véritable spectacle, avec le numéro de porte et l’orientation des gradins. Ce système de contrôle des entrées permettait d’éviter la presse et les personnes étrangères à l’évènement mais également de gérer les flux. 
Le code vestimentaire ainsi que la coiffure à adopter étaient également très codifiés comme l’indiqua le chercheur en citant le texte d’un carton d’invitation : « les dames qui dansent seront coiffées en grandes boucles ». Grâce aux archives de l’époque, Raphaël Masson nous précisa que les dames qui dansaient étaient en « grand habit » et les hommes devaient porter l’habit boutonné et être coiffés de  façon particulière : « les cheveux en cadenette » ou « coiffé en bourse ». Tout ceci fut fixé durant le XVIIIe siècle. 


Du côté de l’exécution musicale, les archives permirent de déterminer le nombre de musiciens engagés pour les différentes occasions, leur répertoire et leur place dans la salle. L’effectif instrumental variait de 50 (en 1739) à 189 musiciens, musiciens pouvant faire partie de la musique du roi ou être musiciens indépendants. Raphaël Masson prit pour exemple l’effectif du bal paré de 1770 comptant 189 musiciens dont 54 venant de la musique du roi et 135 musiciens externes (selon les Archives Nationales). Le chercheur précisa que chaque musicien était rémunéré et costumé. 
L’ordre des danses de ces évènements était extrêmement fixé et suivait une hiérarchie du rang. Le bal commençait tout d’abord par un menuet et nous pouvons également avoir affaire à des danses variées, telles que la courante, la canarie, le passe-pied et la duchesse, suivies par les contredanses. En ce qui concerne les menuets, Raphaël Masson précisa bien qu’ils ne pouvaient être dansés que par des gens de haut rang. Il cita l’anecdote (ayant eu lieu en 1739) d’un danseur ayant invité à danser une femme n’ayant pas le rang nécessaire pour danser le menuet : « Le roi, voyant qu’elle était déjà levée, ne lui fit pas l’injure de la faire s’asseoir mais demanda à passer directement aux contredanses ». Le menuet est la danse du bal paré par excellence.
Raphaël Masson conclut son intervention en soulevant les sources nous permettant d’avoir une idée des musiques pouvant être jouées durant ces évènements. Il énuméra des programmes, des listes d’œuvres comportant des arrangements et des œuvres pour orchestre qui, pour autant, n’ont pas été composées pour la circonstance, ainsi que la partition d’un ballet hollandais de 1770.


BnF, département Bibliothèque-musée de l'opéra, CS-4060 (1) 

vendredi 1 juin 2018

Iconographie de l'opérette du second-empire à la première guerre mondiale à travers la figure de Jacques Offenbach (1819 - 1880), Jean-Claude Yon

Iconographie de l'opérette du second-empire à la première guerre mondiale à travers la figure de Jacques Offenbach (1819 - 1880). 
Jean-Claude Yon
(Université de Saint-Quentin-En-Yvelines)
BnF, 04/04/2018.

Exposé illustré en 75 images. 

Compte-rendu de Julienne Recasens (Master 2 Musicologie, Sorbonne Université)

I - Iconographie d'Offenbach 
II - Partitions illustrées 
III - Iconographie des spectacles 

Offenbach utilise l’iconographie de différentes manières. L’analyse de cette source est donc complexe, il faut en comprendre l’origine, le statut et saisir sa portée. Tout d’abord, il faut noter que la période allant de 1850 à 1870 est marquée par de nombreuses innovations techniques mais aussi que la nature de l'image évolue tout au long de la vie d'Offenbach. Offenbach commence sa carrière parisienne en tant que violoncelliste virtuose en 1833, puis devient chef d'orchestre de la comédie-française en 1850. Il commence sa carrière au théâtre des bouffes parisiens en 1855. Offenbach atteint son apogée entre 1864 et 1870 avec La Belle Hélène et devient directeur au théâtre de la gaité en 1873. 

I - Iconographie d'Offenbach 

La médiatisation des auteurs est un phénomène important à partir de 1850. Le développement du vedettariat modifie l'organisation économique du monde des spectacles. Le musicien créateur se doit d'avoir un visage au même titre que ses oeuvres et que ses interprètes. Offenbach fut pionnier dans sa compréhension de son époque et donc de sa mise en scène puisqu'il semble s'être construit une image qui perdure. Le compositeur a su s’entourer des meilleurs comme le photographe Nadar qui a participé à la construction de l'image d'Offenbach dans les différentes étapes de sa vie. Finalement l'image qui a le plus marqué, montre un Offenbach malade et vieilli emmitouflé dans une fourrure. Par ailleurs, il existe de nombreuses photos prises au cours de ses voyages comme en 1876 lors de sa tournée aux Etats-Unis (photographe : José Maria Mora). 

Il existe aussi d’autres types de documents comme les portraits dessinés, cela nous permet de remonter plus tôt dans la vie d’Offenbach. Hermann Raunheim peint le compositeur en 1839 alors qu’il n’a que 20 ans. Ce portrait présente un Offenbach Lisztien et fait écho à d’autres virtuoses de cette époque. Alexandre Laemlein représente le violoncelliste en 1850. Par ailleurs, Gustave Doré ​étant un grand ami d’Offenbach va dessiner l’artiste en cherchant à le valoriser et à le légitimer. D’autres artistes comme Edouard Detaille représente le compositeur en train de composer les contes d’Hoffmann dans son atelier parisien. La mort d’une célébrité est un moment propice à la production d’image. Detaille présente le compositeur entouré de tous ses personnages avec une très grande précision dans les costumes de scène. 

Les caricatures véhiculent une certaine idée du compositeur. Elles sont innombrables. André Gill caricature souvent le répertoire Offenbachien notamment dans le journal l’éclipse en mai 1874. De même, il effectue une caricature de la première oeuvre d’Offenbach où celui-ci est représenté avec le protagoniste de son oeuvre qui n’est autre que le chien Barkouf. Par ailleurs, Ferdinand Bac et Nadar effectuent des caricatures du compositeur. Offenbach est donc une proie séduisante pour tous les caricaturistes de l’époque. 

La dernière forme de représentation est la peinture. Offenbach fait partie des nombreuses personnalités représentées sur le tableau de Manet datant de 1862, La musique aux Tuileries

II - les partitions illustrées 

L’iconographie est présente au sein des pièces les cinq fables de la Fontaine mais aussi dans les partitions chant / piano où l’illustration est unique et se trouve sur la page de couverture. Par ailleurs, il en existe dans les publications d’airs séparés qui servaient à exploiter au maximum les partitions d’Offenbach. L’intérêt de ces iconographies est de présenter les costumes et les décors de l’époque. Le répertoire de danse présente aussi des photos ou dessins comme dans les quadrilles. En revanche, il y a très peu d’images dans les livrets (sauf édition de la vie parisienne de 1875). 

III- Iconographie des spectacles 

Les années 1850 voient apparaître deux formats de photographie, la carte de visite 5/9 mais aussi la photo type cabinet 10/14. Les acteurs posent de plus en plus en costume. Toutefois les appareils ne peuvent être déplacés et le décor reste l’atelier du photographe et ne renseigne pas ou peu sur les décors des spectacles. Ce photos permettent de se rendre compte du jeu des acteurs, des physionomies et de quelques éléments de mise en scène. L’iconographie offenbachienne s’établit aussi à Vienne avec la représentation de l’acteur Lestroy dans le rôle de Jupiter dans l’opéra Orphée aux enfers. 

Quelques tableaux représentent les acteurs phares des opéras d’Offenbach. C’est le cas pour Hortense Schneider représentée par Alexis-Joseph Perignon dans le rôle de Boulotte dans l’opéra de Barbe bleu. De même, elle est représentée en grande duchesse de Gérolstein avec le costume conforme à la première représentation. 

Finalement, l’iconographie de ces spectacles se retrouve peu dans la presse mis à part quelques journaux ou numéros consacrés à des représentations d’Offenbach. Les documents les plus intéressants restent les affiches. Ces derniers ont un intérêt particulier puisqu’ils émanent d’Offenbach et de ses éditeurs, ils ont donc un aspect promotionnel comme l’affiche de l’ouverture des bouffes parisiens par Nadar en 1855. Par ailleurs, Offenbach est le premier à faire confiance à Jules Chéret pour l’affiche de son opéra, Orphée aux enfers et pour Boules de neige laquelle est alors la première affiche de spectacle en couleur. Finalement, un dernier support permet de rencontrer les opéras d’Offenbach, les assiettes consacrées au théâtre lyrique de la manufacture Creil-Montereau de 1870.

Alexandre Laemlein

Portrait de Jacques Offenbach, 1850,  
Fonds Albert Pomme de Mirimonde, collection de documents iconographiques,
Boîte 15, Musiciens isolés (du XVIIIe au XXe siècle). I, France.


Gustave Doré
Jacques Offenbach, 1860, grav. sur bois, 33 x 22 cm (im.),
Bibliothèque nationale de France, département Musique, Est.Offenbach J.002.


Edouard Detaille
Gravure de Jacques Offenbach dans son cabinet de travail,
Ruck-photograveur, Mai 1908, illustration d'une publication,
Bibliothèque des Arts décoratifs Paris, Revue Musica (1902-1914), p 74, INHA.


Ferdinand Bac
Portrait de Jacques Offenbach, Encre de Chine signée et annotée en bas à gauche,
21 x 13 cm.


Hortense Schneider représentée par Alexis-Joseph Perignon.
Hortense Schneider dans le rôle de la Grande Duchesse de Gerolstein de Jacques Offenbach,
1874, Huile sur toile, Musée du château de Compiègne, France.

jeudi 31 mai 2018

La musique à l’œuvre dans Le livre du Cœur d'amour épris de René d'Anjou (Paris, BnF, ms fr. 24399), Rose-Marie Ferré


La musique à l’œuvre dans Le livre du Cœur d'amour épris de René d'Anjou 
(Paris, BnF, ms fr. 24399)
Rose-Marie Ferré
BnF, 21/02/2018

Compte-rendu de Miguel Baptista (Master 1 Recherche en Musicologie, Sorbonne Université)

Le mercredi 21 février 2018 a eu lieu à la BNF une conférence de Rose-Marie Ferré avec pour sujet « La musique à l’œuvre dans Le livre du Cœur d'amour épris de René d'Anjou (Paris, BnF, ms fr. 24399) ». La conférence à tout d'abord commencé par une introduction dans laquelle Rose-Marie Ferré donne quelques détails sur la vie de René d'Anjou. Plus particulièrement, il est précisé qu'il était un homme d'état important, un intellectuel, et un homme de lettres. Il était aussi attiré vers la musique comme en témoigne la création d'une maîtrise de 12 chantres et le fait qu'il à probablement composé des textes, poèmes et de la musique (par exemple le motet "Dulcis amica Dei"). Pour finir l'introduction la professeure Ferré fait aussi mention des talents d'écrivain de René d'Anjou.

Rose-Marie Ferré nous explique dans cette première partie "de la série de tapisseries de Vénus dans le Paris 24399", daté de 1460, le contexte et la description de celles ci dans l’œuvre. L'histoire, basée sur l'amour courtois, suit les péripéties du chevalier Cœur à la recherche de la dame aimée en essayant de se garder des pièges de la séduction.

Tout d'abord une constatation de taille : seul le manuscrit français 24399 parmi ceux conservés à la BnF est complet au niveau du texte et de l'iconographie. On y trouve 70 miniatures. Les miniatures ont été faites vers 1480 1485  par le maître du retable de Beaussant selon François Avril. 

La situation dans le récit est détaillé. Le chevalier Cœur, invité dans le château d'Amour y admire une série de tapisseries. Le récit nous fait ensuite suivre Vénus dans ses appartement ou apparaît une seconde série d’œuvres. La seconde série des tapisseries est une métaphore de la première série. Elle donne plus de précisions sur les thèmes abordés.

Au cours de cette première partie Rose-Marie Ferré nous a parlé de la composition générale des images. Elle constate que la mise en page des enluminures représentant les tapisseries est identique à chaque fois : Une image sur les 2/3 du feuillet ainsi que la rubrique en dessous et avec un texte de cinq vers. D'un point de vue général Cœur est absent des enluminures contrairement à la première série des tapisseries. L'autre constatation de Rose-Marie Ferré est la présence d'une seule pièce représentée.


D'une manière générale les miniatures ont toute une structure semblable  : On voit la tapisserie qui est historiée avec une banderole inscrite en vue de face accrochée au mur au dessus d'un banc. Elle occupe plus de la moitié supérieure de l'image. Le sol lui est en damier bleu et vert avec un effet de perspective. 

Toute les scènes ont un fond ornemental vert avec des rinceaux dorés à l'exception de la quatrième pièce comportant un paysage.

Le thème principal des tapisseries est « le cœur et les diverses façons de le capturer ». A la suite de ce constat Rose-Marie Ferré nous décrit avec précision les différentes pièces de tapisserie avec le texte.

Rose-Marie Ferré conclut cette première partie en disant qu'ici dans cette série de tapisserie René d'Anjou, fait une métaphore malgré que le cœur ici est représenté sous sa forme normale (bilobée et rouge) celui ci fait allusion au cœurs « volants/volages ».Tout cela fini par une morale qui a forcément pour thème l'amour courtois et qui dit qu'il faut garder son cœur à l’abri des tentations. Pour finir cette première partie Rose-Marie Ferré ajoute que le destinataire de cette morale, le chevalier Cœur, est absent.


Au cours de la deuxième partie Rose-Marie Ferré nous parle des relations avec les œuvres dramatiques et musicales de l'époque. 

Le premier lien est avec la Farce de Pipée et l'utilisation d'une métaphore filée pour représenter l'amour courtois.
Comme le dit le Rose-Marie Ferré il y a des ressemblances entre les deux. Le personnage de Foul Cuider présent dans les tapisseries du livre "du Cœur d'Amours espris" qui est aussi un protagoniste de la Farce de la Pipée, ensuite la personnification de l'Espérance, est associé ici à un thème plus négatif (l'arrogance de l'amour). La scène dépeint l’Espérance prenant des cœurs ailées dans un piège à glu. Les cœurs y perdant quelques plumes. Cela revoit directement à l'intrigue de la farce de la pipée ou "Plaisant Folie" sert d’appât pour "Cuider" et qu'ils prennent au piège et plument littéralement les autres personnages attirés par la beauté de la jeune fille. Pour confirmer ce lien Rose-Marie Ferré  nous indique que d'après les recherches de Bruno Roy le fou Triboulet (un comédien et poète au service du roi René) avait dans son répertoire une pièce intitulée les Oiseaux, autre titre de la Farce de la Pipée.
L'apparition du vieillard et de Roger Bon Temps fait aussi allusion aux farces. Le personnage de Roger Bon Temps est présent dans la septième et le vieillard la huitième tapisserie. Contrairement à ce qui figure dans les autres rubriques, le numéro des tapisseries n'est pas donné et la scène n'est pas décrite : on cite les paroles du personnage.  Donc ici le coté dramatique est induit clairement. On se trouve donc dans l'oralité, effet renforcé la posture de Roger Bon Temps ainsi que sa bouche ouverte notamment. 
Tout cela permet à Rose-Marie Ferré de confirmer que le commanditaire de Paris et l'artiste enlumineur ont connus la farce et le théâtre allégorique.

Dans la dernière partie de la conférence, Rose-Marie Ferré nous parle de la lecture performative.
Dans les tapisseries l'agencement de l'image est tel que le lecteur est en position de spectateur surtout avec l'utilisation de la contre-plongée. De plus comme le précise Rose-Marie Ferré un banc est représenté ici pour matérialiser l'espace entre le spectateur et la scène.

Il y a aussi les présences de figures qui pourrait représenter des acteurs en train de jouer avec l'utilisation de plans différents viennent confirmer l'espace de représentation notamment la quatrième scène dont le fond est un paysage contrairement aux autres tapisseries. 


La tapisserie devient scène de théâtre avec un personnage jouant la farce.

La lecture permet d’apporter des éléments supplémentaires. En effet avec les rubriques ainsi que les banderoles l'auteur est obligé de regarder la tapisserie et que le texte. Cependant Rose-Marie Ferré précise que le lien entre la rubrique et ce qui se trouve réellement dans les scènettes n'est pas complet. Sur la tapisserie il y a présence de notes et même de portés musicales  ce qui fait que l'on passe de mots parlés à chantés. 
Rose-Marie Ferré en tire la conclusion que les chansons devaient certainement commencer et finir le jeu ou être incorporer dans la pièce comme un intermède musical, comme dans la Farce de Pipée avec diverses chansons présentes.
La conférencière nous précise ensuite qu'au XVème et XVIème siècle la chanson est fortement liée à la farce vu que toutes les deux ont des thèmes convergents. De plus il est aussi préciser que la chanson est en vogue à cette période. La chanson permet aussi de suspendre le temps de l'action ou tout du moins changer le rythme d'une pièce, rythme particulier montré dans les banderoles des tapisseries de la Chambre de Vénus.

En conclusion Rose-Marie Ferré nous résume tous les thèmes et approches de la conférence en précisant que la lecture du "Livre du cœur d'Amours espris" de René d'Anjou est réservée aux lecteurs avertis, connaissant les œuvres en vogues et les thèmes de l’époque et  indissociable du théâtre.



mercredi 30 mai 2018

L'iconographie du spectacle musical dans les anciens Pays-Bas, 16e -17e siècles, Karel Moens

L'iconographie du spectacle musical dans les anciens Pays-Bas, 16e -17e siècles
Karel Moens 
Bnf, salle Richelieu, le 21/02/2018 

Compte-rendu d'Aline Poirier (Master Professionnel de pratique de la musique médiévale, 1ère année, Sorbonne Université).

Les arts plastiques, en général, représentent rarement le monde de façon réaliste, mais ils comportent bien souvent une dimension symbolique. Nous allons étudier la vie musicale dans différentes villes des anciens Pays-Bas à travers des tableaux représentant des Omegang, mot flamand désignant les cortèges de rue. La dimension picturale de ces Omegang est à la fois sociale et musicale. L'ensemble est un tout symbolique et composé, théâtralisé, dont seuls les détails sont réalistes. 

En effet, au 16e siècle dans les Flandres, la peinture ne représente pas la vraie vie mais les catégories sociales, sous une forme très symbolique : le paysan, le mendiant, l'étranger (souvent le Turc), se voient dotés de multiples défauts (ivrognerie, disputes...), à l'opposé des qualités que les citoyens des classes supérieures s'attribuent. Deux autres figures, le bouffon et l'homme sauvage, sont aussi très courantes. Le bouffon pouvait être ménétrier, c'est à dire musicien professionnel appartenant à une guilde, mais l'inverse existait également : un ménétrier pouvait être aussi bouffon. Dans de nombreuses représentations de scènes musicales, le musicien se tient à l'écart, son rôle étant de dénoncer la folie de la compagnie. En effet, le bouffon-musicien est souvent appelé Ratio (la Sagesse), ce qui lui confère un rôle symbolique en lien avec cette inversion des qualités qui le relie paradoxalement aux deux extrêmes du fou et du Sage, qu'il incarne ainsi simultanément. 

Les seules représentations réalistes de spectacles musicaux sont finalement celles des Omegang, dont la composition d'ensemble est théâtralisée pour des raisons politiques et sociales. Mais les détails, nous allons le voir, sont eux très réalistes. Au début du 17e siècle, suite à la conquête de cete région protestante par les espagnols catholiques, les deux tiers de la population urbaine sont partis en exil, ou bien persécutés et décédés. Ernest d'Autriche sera alors nommé souverain des Flandres par le roi d'Espagne. Lui succèdera Albert, archiduc d'Autriche, fils de l'empereur Maximilien II d'Autriche. Ainsi, les tableaux de cortège doivent être considérés comme des portraits qui doivent démontrer au roi d'Espagne la prospérité du pays et la bonne entente des nouvelles autorités catholiques avec la population. Certains de ces tableaux d'Omegang seront même envoyés en Espagne à cette fin. Albert et son épouse Isabelle de Castille (flle du roi Philippe II d'Espagne) ont commandé au total six tableaux d'Omegang, dont quatre ont été conservés. Un exemple caractéristique d'Omegang est celui de 1615, qui montre le cortège autour de l'église de Notre-Dame-des-Sablons de Bruxelles. Isabelle se fait couronner reine de la corporation des tireurs à l'arc. Un joueur de fifre et tambour ouvre le cortège, précédé par des danseurs. 

Quelle était la musique jouée lors de ces Omegang ? Pour celle de fifre et tambour, nous pouvons nous en faire une idée en écoutant les musiciens actuels qui ont fait perdurer cette musique. Viennent ensuite les six ménétriers de la ville de Bruxelles. Il est frappant de reconnaître les traits des six mêmes musiciens-ménétriers que ceux peints dans une Omegang précédente, qui représentait le banquet nuptial d'Albert et Isabelle. Voici leurs instruments : trois chalemies, un cornet à bouquin, une douçaine, une sacqueboute. En effet, chaque ville possédait trois à six ménétriers, tous multi-instrumentistes (ils maîtrisaient sept instruments à vent et à corde, à l'exclusion des claviers). Ils se produisaient au minimum à deux, et jouaient le plus souvent soit à trois, soit à six. Pour les plus grandes occasions, les ménétriers venaient depuis de nombreuses villes environnantes. Quant à la musique d'Omegang, qui était polyphonique, il nous en reste quatre-vingt-dix-neuf manuscrits. Ensuite, des chars, inspirés par des mythes tels qu'Apollon et la Muse, Pégase etc, suivent les musiciens. L'on peut y voir des animaux mythiques tels que le chameau, la baleine, le géant, la licorne, guidés par des bouffons-musiciens. Nous trouvons également le Turc, avec son visage noirci, et l'homme sauvage, enduit de colle et de plumes. Le cheval Bayard, figure récurrente dans les Omegang, était guidé depuis le 16e siècle par un joueur de cornemuse. Depuis le 17e siècle, cette fonction est exercée par un violoniste, de nos jours issu d'école de musique, mais auparavant titulaire de cette fonction de père en fils, appartenant à la guilde des dockers, capables de soulever un cheval de près de deux tonnes. Au 20e siècle, le dernier violoniste de cette guilde fabriquait encore son violon, de facture monoxyle, avec une technique proche de celle des musiciens du Moyen Âge. Au 19e siècle, nous pouvons observer un retour des Omegang, qui a été l'occasion du renouveau de la facture d'instruments anciens tels que la cornemuse. 

Le phénomène des grands cortèges d'Omegang, dont l'origine date du 14 e siècle, après une éclipse à la période calviniste, a connu son apogée au 17e siècle avec Albert et Isabelle. Contrairement aux représentations de musiciens dans d'autres formes d'art plastique, les musiciens dans les Omegang sont très réalistes, puisqu'ils sont insérés dans une composition déjà allégorique du point de vue social et politique. C'est une chance pour la recherche musicologique, enrichie de ce nouveau champs d'étude qui pourrait s'appeler "anthropologie de l'histoire musicale".


samedi 14 avril 2018