mercredi 6 juin 2012

Compte rendu de la réunion PLM Musiconis

Légende de saint Julien l'Hospitalier, cathédrale de Chartres
Compte rendu de la réunion Patrimoine et Langages Musicaux. Premier bilan scientifique du projet ANR Musiconis (2 juin)

Introduction, Frédéric Billiet :
Frédéric Billiet remercie l’équipe d’accueil Patrimoine et Langes Musicaux pour son soutien et précise que la présentation de bilans scientifiques devant l’équipe est importante non seulement du point de vue de la recherche, mais également pour servir de modèle lors de la constitution de projets ANR par des membres de l’équipe.
Depuis septembre 2011 (début du financement du projet), un séminaire a été mis en place sur le site de Clignancourt (2 rue Francis de Croisset, Paris 18e) à destination des étudiants en Master et ce séminaire a été l’occasion de discuter du modèle d’indexation et d’y apporter de nombreuses modifications. L’activité de la recherche est importante autour de Musiconis, puisque déjà trois thèses ont été soutenues : Welleda Muller en 2009 sur Les stalles, siège du corps dans les chœurs liturgiques du Grand Duché de Bourgogne aux XVe et XVIe siècles (à paraître chez Brepols Publishers), Xavier Fresquet en 2011 sur Les cithares-planche médiévales : organologie, reconstitution et translatio musicae ; et Sébastien Biay en 2011 sur Les chapiteaux du rond-point de la troisième église abbatiale de Cluny (fin XIe-début XIIe siècle) : étude iconographique. Ainsi qu’une habilitation à diriger des recherches par Isabelle Marchesin en 2012 sur L’arbre et la colonne. Essai de sémiotique visuelle sur la porte de bronze de Hildesheim (1015). Les séminaires qui ont vu les interventions d’historiens de l’art (Alison Stones, Cécile Voyer, Eric Palazzo), de littéraires (Jean-Marie Fritz, Isabelle Ragnard), d’historiens (Vincent Debiais), d’organologues (Lionel Dieu, Christian Rault, Yves d’Arcizas) et de musicologues (Christelle Cazaux-Kowalski, Katarina Livljanic), ont également été l’occasion de faire vivre la recherche autour du projet et de modifier ou d’affiner les critères d’indexation proposés dans la base.
Un premier rapport a été rendu en février 2012 à l’ANR.
Frédéric Billiet propose un séminaire au niveau doctoral à la Maison de la Recherche (28 rue Serpente, Paris 6e) pour l’an prochain.
Les préoccupations majeures qui interviennent en ce moment sont liées aux problématiques du visuel et de la dénomination des instruments pour un accès au plus grand nombre. Une réunion portant sur ce point sera organisée avec les post-doctorants, Frédéric Billiet, François Picard et Nicolas Meeùs.

Point technique, Xavier Fresquet :
Xavier Fresquet présente le volet technique faisant partie intégrante du projet ANR puisqu’une recherche parallèle à la musicologie et à l’histoire de l’art a été engagée à travers le développement du portail Musiconis en informatique. Plusieurs points importants sont à soulever :
- la mise en relation de différentes bases de données, le partage de critères communs (données spatio-temporelles, relatives au format et à la technique, etc.).
- le développement de nouveaux critères d’indexation (notamment des critères organologiques précis et de nouveaux descripteurs du son sur un modèle d’Isabelle Marchesin développé par les discussions issues des séminaires),
- la mise en place d’un système de validation avec les partenaires (avec divers « statuts » pour intervenir dans la base : administrateurs partenaires, administrateurs Musiconis, correcteurs ; on fera un test sur un corpus donné),
- la création d’un lien « à double sens » entre les partenaires et le portail Musiconis ; c’est-à-dire un lien vers la base partenaire sur chaque fiche et un lien vers Musiconis sur la base distance.
Pour le moment, l’intégration de fiches provenant des bases de données Musicastallis, Romane (et APEMUTAM), Enluminures (IRHT), Sculpture (Centre A. Chastel), Vitrail (Centre A. Chastel) et Gothic Ivories Project (Courtauld Institute, Londres) a été réalisée ou partiellement réalisée. Il reste à intégrer Liber Floridus, le MIMO, Mandragore (BnF), le RIDIM et les images du Centre François Garnier (Association Rencontre avec le Patrimoine Religieux).
D’un point de vue informatique, le projet Musiconis a permis la définition d’un Document Type Définition pour l’iconographie musicale médiévale avec un modèle de document XML complet (grammaire de classe de document) et ce modèle devrait pouvoir être utilisé pour toutes les images musicales médiévales.
L’état actuel des développements comporte :
- un volet communication avec le blog qui permet de faire le point sur les séminaires, de recenser les questions, les interrogations et ouvertures de la recherche ; de présenter les actualités du projet, ainsi que les bibliographies des intervenants aux séminaires,
- un volet administratif (back-office) formant une interface fonctionnelle de saisie des fiches hébergée par l’Université Paris-Sorbonne.
Avec déjà 274 fiches réalisées, Musiconis présente un modèle complet de données recensant 778 performateurs et 550 instruments sur les stalles, les sculptures monumentales romanes et gothiques, les peintures romanes, les enluminures, les vitraux et les ivoires gothiques.
En ce qui concerne la chronologie du projet soumise à l’ANR, elle a été presque inversée, puisque la mise en place du modèle d’indexation et des fiches est intervenue plus tôt que prévu et qu’il reste à développer les liens avec les bases distances et le moteur de recherche. Prenant pour modèle simple Musicastallis, la base Musiconis a énormément développé son schéma et ses critères d’indexation.
Certains freins sont néanmoins remarquables bien qu’inhérents à la mise en place d’un tel projet. Ainsi, la création d’une structure de données tout en menant une réflexion sur les champs a entraîné de nombreuses modifications de la structure et des types de champs d’où la nécessité de revoir, corriger, préciser en détail toutes les fiches déjà créées. La mise en place technique et celles des partenariats a également entraîné des retards.
Xavier Fresquet rappelle le partenariat avec CapDigital, un pôle de compétitivité à dimension internationale qui comporte 700 adhérents (620 PME, 20 grands groupes, 50 établissements publics, écoles et universités, 10 investisseurs, notamment l’ANR). Ce partenariat nous permet de faire partie d’une communauté ingénierie des connaissances : le NTAI (Nouvelles Technologies d’Analyse de l’Information) avec des projets comme AMMICO (visites virtuelles de musées), ASFALDA (analyse sémantique), etc. Cela forme un soutien possible de Musiconis qui permettra un suivi technique du développement informatique du projet, une mise en contact avec d’autres partenaires pour collaboration (front-office) et une possibilité de partenariat avec accord de gré à gré avec les prestataires de CapDigital (sur les fonds alloués par la labellisation).
Les étapes restantes du projet sont :
- juin-septembre 2012 : corrections et ajouts de fiches, mise en place du moteur de recherche et de la page de résultats ; le système sera fonctionnel avec les liens vers les bases distantes en septembre.
- septembre 2012-février 2013 : import des fiches partenaires, mise en place d’un système de validation/édition.
- mars-juin 2013 : Fin du développement en juin, phase de tests et corrections jusqu’en juillet (fin des contrats de recherche) et septembre 2013 (fin du contrat de l’informaticien).
Puis viendra une phase de communication autour du projet avec des interventions lors de colloques nationaux et internationaux, des publications et l’organisation d’un colloque Musiconis.

Appui-main,
stalles de Saint-Pol-de-Léon
Développement de la communication, Jérôme Parbaile :
Au niveau du webmastering du futur site internet Musiconis, l’idée était d’offrir un outil simple et fonctionnel. La page d’accueil comporte donc le logo, un menu, le texte explicatif du site et un moteur de recherche simple. L’actualité de Musiconis (l’actuel blog) est renseignée avec la possibilité de s’abonner au flux RSS. Les tweets de Musiconis apparaissent également. Enfin, l’image du mois permettra de créer un dialogue avec les partenaires et les visiteurs du site. Il reste à travailler sur l’ergonomie du site. La fiche, qui comporte pour l’instant beaucoup d’informations, devra être plus facilement lisible ; les aspects des résultats des recherches seront aussi à travailler. Une fois le site prêt, les partenaires seront mobilisés pour créer une communauté et investir les médias sociaux (ce qui est déjà en marche avec le blog et le compte tweeter : https://twitter.com/#!/musiconis) ; il faudra établir des liens pour faire en sorte d’avoir une bonne position dans les moteurs de recherche.

Justification du modèle d'indexation, Sébastien Biay, Welleda Muller :
L’interface administrative se découpe pour l’instant en neuf tables d’indexation pour chaque fiche.
- Tout d’abord les Informations Principales sur la fiche (qui sont le plus souvent récupérées des bases partenaires), avec le numéro de la fiche dans la base partenaire (indispensable pour effectuer le lien ensuite), le nom de cette base et le titre qu’elle a donné à l’image choisie. Un champ « titre Musiconis » a été ajouté pour permettre une recherche plus facile des futurs visiteurs du site. Le « titre officiel » renvoie à des noms d’œuvres conventionnels comme la « tapisserie de Bayeux » (qui est en fait une broderie). Puis on renseigne la date de trois façons : une fourchette avec « date début » et « date fin » et le siècle (possibilité de mettre circa). La restauration est précisée car elle peut modifier des éléments organologiques ou liés à la représentation du son dans l’image ; il est rappelé que les images néo-gothiques ne seront pas prises en compte dans le projet Musiconis tel qu’il a été soumis à l’ANR en 2011. Vient ensuite l’objet technique pour lequel un menu déroulant a été mis en place avec les entrées : peinture murale, enluminure, sculpture sur bois, sculpture sur pierre, sculpture sur ivoire, orfèvrerie, broderie-tapisserie, relief en bronze, vitrail, marqueterie. Le type image sera surtout utilisé dans le cas des enluminures car il faudrait préciser s’il s’agit d’une initiale, d’une marge ou d’une miniature. Les numéros IconClass sont également renseignés dans cette table pour offrir une dimension internationale au projet et permettre l’interrogation dans plusieurs langues. Enfin, un champ source littéraire renvoie aux sources primaires lorsqu’elles sont évidentes, comme dans le cas de Tristan harpiste ou d’un proverbe parfaitement identifiable.
- La Localisation de l’image est divisée en deux parties : la localisation actuelle et la localisation d’origine, la distinction étant nécessaire notamment pour les manuscrits. La localisation d’origine comporte des menus déroulants pour caractériser le « type d’édifice » auquel on a affaire ainsi que la localisation spatiale précise dans un édifice religieux notamment, par exemple : abbaye monastique, chapelle.
- Vient ensuite la table Performateurs qui permet d’indexer ce qui est relatif aux musiciens, chanteurs ou danseurs. On renseigne leur type qui peut être double (musicien et jongleur par exemple) ; une entrée « orchestique » permet de choisir entre : animation remarquable des corps, figure acrobatique, danse et jonglerie. La danse et la figure acrobatique peuvent ensuite être spécifiées grâce à des menus déroulants. Le genre et la qualité du personnage sont précisés ; les qualités pouvant être multiples (par exemple : personnage biblique, berger), un thesaurus a été mis en place, ce qui permettra de faciliter les futures recherches dans la base. Si la vêture n’est pas nécessairement signifiante pour l’époque romane, elle est en revanche importante à l’époque gothique puisqu’elle permet de situer une chronologie et de préciser la qualité d’un personnage, c’est pourquoi un champ spécifique a été créé. La posture est également à renseigner dans un champ libre. Pour les chanteurs, un menu déroulant a été mis en place pour préciser les ouvertures de la bouche (ouverte, entre-ouverte, fermée, etc…).
- Dans les cas très fréquents où il y a plusieurs performateurs dans une seule image, il a semblé indispensable de créer une table consacrée aux Relations Spatiales entretenues par ces personnages. Tout d’abord, on précise leur nombre, leur situation les uns par rapport aux autres (face à face, dos à dos, etc.) toujours à l’aide d’un thesaurus ; ensuite, on précise si un objet ou un personnage intervient dans la scène (par exemple un arbre, le Christ, etc.) Les relations au support écrit sont également à renseigner dans cette partie ; elles concernent surtout les chanteurs qui sont très souvent mis en présence d’un livre posé sur un lutrin ; le fait qu’ils tournent les pages ou posent la main sur le livre est intéressant à indexer pour les futures recherches. Liés à la posture et aux relations spatiales, les marqueurs de direction musicale permettent de mettre en évidence la pratique de tactus différents (de contact, en l’air, etc.). Une dernière entrée a été créée pour caractériser les relations de volume sonore entre ce qu’on appelle les hauts et les bas instruments ; un thesaurus est en cours d’élaboration pour remplir ce champ avec lequel il convient de rester prudent (l’ouvrage de référence en la matière est celui de Luc-Charles Dominique dans Musiques savantes, musiques populaires. Les symboliques du sonore en France 1200-1750, éd. CNRS, 2006). Enfin, toujours dans le cas de plusieurs performateurs, on peut renseigner les types d’ensembles musicaux (chanteurs ou musiciens) visibles sur l’image sous une forme numérique ; il n’est en effet pas rare d’avoir deux musiciens jouant ensemble d’un côté et trois autres d’un autre (ce qui donne 2, 3).
- La table Instruments comporte des critères organologiques très précis relatifs aux cordophones, aérophones, membranophones et idiophones, mais également à propos de la tenue et du mode de jeu des instruments. La problématique que pose cette table est la cohabitation de termes issus de la classification Hornbostel & Sachs et de termes « médiévaux ». Selon Nicolas Meeùs (qui n’était pas présent mais à répondu à de nombreux mails à ce sujet), « la classification H&S a le mérite de n’utiliser que des noms abstraits, déconnectés des usages spécifiques – avec les problèmes que cela provoque, luth pour des instruments que personne n’a jamais appelé comme cela, par exemple – ; mais le reproche est injustifié, puisque précisément il ne s’agit pas de noms d’usage. On peut faire l’un ou l’autre, une nomenclature abstraite, classificatoire, ou une nomenclature concrète, proche de l’usage – mais alors il faut choisir l’usage, son aire géographique et chronologique, parce qu’il n’est pas imaginable qu’une nomenclature rende compte de tous les usages (des dictionnaires existent pour cela) ». François Picard insiste sur le fait que ces termes d’instruments doivent être interrogeables dans toutes les langues (en tout cas en anglais, français et allemand) et que la classification H&S permet de répondre à cette nécessité. L’intervention de termes « vernaculaires » pose le problème de la définition de ces termes, aucun consensus n’ayant été trouvé pour de nombreux termes et certains ayant été employés pour qualifier des instruments différents suivant des variables régionales. Le MIMO a tenté de trouver des descripteurs transculturels et inter-langage avec la classification H&S ; ce serait un exemple à suivre. Des critères organologiques précis pourraient en outre permettre de qualifier précisément certains instruments (tels les fonds plats ou bombés). Toutefois, il est certain que des interrogateurs de la base vont chercher des termes comme « muse » qui n’ont pas de réalité historique ou des termes impropres comme le rebec pour qualifier les petites vièles à trois cordes de l’époque romane, il faut alors réfléchir à un système de renvois pour l’interrogation future. Philippe Laublet indique qu’il est possible d’élaborer un système de requêtes plus subtiles avec un catalogue de mots reliés ou voisins, afin de faciliter la recherche des futurs utilisateurs de la base et de leurs proposer des alternatives à leurs recherches de termes vernaculaires.
- Les instruments et les performateurs sont reliés entre eux, ce qui est particulièrement utile lorsqu’une image comporte plusieurs musiciens jouant d’instruments différents.
- La table Son, comme la table suivante Analogies, est pourvue de descripteurs permettant d’entrer véritablement dans la recherche de la représentation du son dans les images médiévales. Tous les champs de ces pages sont libres avec la constitution d’un thesaurus et la possibilité d’argumenter les choix dans un champ commentaire. La première entrée concerne l’action du son dans l’image qui est généralement visible dans « l’entourage » du musicien ou du chanteur. La notation musicale, les signes et-ou les métaphores visuelles du son sont également indexés dans cette table, ainsi que leur position dans l’image. Les références à la théorie et à la perfection musicales permettent de renseigner la présence d’intervalles, d’accords, de consonance ou de dissonance. La classification des instruments (tripartition isidorienne, classe instrumentale unique) intervient également dans cette table. Une source d’inspiration musicale dans l’image peut également se présenter (Muse, Saint-Esprit) et ne sera pas négligée ici. Un champ « univers référentiel du son » a été créé pour spécifier le « type » de musique auquel on a à faire (par exemple musique liturgique, musique parodique, musique angélique, etc.). Certains éléments sont encore à créer pour pouvoir spécifier tous les univers référentiels du son intervenant dans les images médiévales. Enfin, un dernier champ permet de renseigner la propagation du son et les marqueurs de l’audition chez un éventuel auditoire de la performance musicale.
- La dernière table est consacrée aux Analogies ou résonances iconographiques. Elles sont de quatre types : les analogies géométriques (symétrie par exemple), formelles (corps-instrument par exemple), chromatiques et quantitatives (proportions, système de nombres, etc.). Faisant le lien entre la performance musicale et son environnement, elles seront utiles dans une perspective de recherche sémiotique.

Ouverture de la recherche (avec la participation de Michèle Alten, Karine Boulanger, Philippe Laublet, François Picard, Theodora Psychoyou) : Les participants insistent sur la nécessité d’établir un système clair, notamment pour définir les instruments, mais également pour indexer les performateurs et le son dans les images. L’aspect subjectif des tables « son » et « analogies » est pointé, d’où la nécessité de justifier ces nouveaux critères d’indexation dans la future base. L’élaboration d’hypothèses sur les images (à travers la table analogie principalement) est également remise en question, étant donné le danger que cela représente au niveau de la fixation d’un sens sur l’iconographie musicale. Toutefois, si l’attribution d’une dimension signifiante aux différents éléments iconographiques dans la représentation du son peut susciter des interrogations, la constitution de séries permet d’étayer la pertinence de ces observations.
Welleda Muller

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