vendredi 29 juin 2012

Compte rendu des journées d'études "Figure(s) du musicien"


Compte rendu du colloque « Figure(s) du musicien : corps, gestes, instruments en texte »
15-16 juin 2012, Université de Toulouse

Chantres, stalles de Leon (Espagne)
Le groupe « Musique et Littérature : dialogues intersémiotiques » de l’IRPALL existe depuis une dizaine d’années et organise plusieurs séminaires par an, ainsi qu’une journée d’études. La recherche était surtout tournée vers la sémiologie et l'interdisciplinarité, et les responsables scientifiques : Nathalie Vincent-Arnaud et Frédéric Sounas ont décider de faire évoluer cette recherche vers des questionnements sur la figure et les représentations du musicien, de ses gestes, de son corps, ainsi que vers la problématique de la théâtralité de la musique et du concert qui sera abordée à la rentrée prochaine.
            Deux journées d’études ont donc été consacrées à cette nouvelle orientation de la recherche sur le musicien les 15 et 16 juin derniers. Majoritairement axées sur la littérature comparée, ces journées ont néanmoins débutées par l’étude organologico-anthropologique de Gabriel Mardare (Université de Bacau) sur la main et les doigts des pianistes. Il présente ainsi la main comme un organe musical à part entière avec ses spécificités musicales mais aussi sociales. Stravinsky disait par exemple que les doigts n’étaient pas à négliger car ils pouvaient être une source d’inspiration musicale. Et l’écart entre composition et exécution qui est comblé par la médiation corporelle. Gabriel Mardare développe l’idée de la « main pensante » qui n’est pas qu’un outil commandé par le cerveau dans la musique, à la lueur des théories sur la phénoménologie de la perception, notamment de Teilhard de Chardin : il y a une parcelle de pensée partout où il y a sensation. Les travaux de Marie Jaëll sont également intéressants dans cette optique de redécouverte d’une unité entre pensée et sensation. Le « touché » du piano devient une véritable identité musicale, permettant d’exprimer divers registres stylistiques et divers degrés de solennité.
            Cynthia Brésolin (Université Bordeaux III) s’est ensuite intéressée à la trilogie Des femmes de Sophocle (Les Trachiniennes, Antigone, Electre) mise en scène par Wajdi Mouawad qui y a intégré un concert performance d’un chœur de rockeurs mené par Bertrand Cantat. En mettant en scène trois destins issus de la tragédie antique (Déjanire, Antigone et Electre), Mouawad a mis en place un voyage aux temporalités multiples (le présent est le prisme d’un passé malheureux et d’un futur fatal) dans lequel les trois éléments : terre, eau, feu, ont une importance fondamentale. Plusieurs procédés sont intervenus : notamment la déconstruction du langage avec une analogie corps-chœur (le chœur étant en présence continue sur scène) et la visibilité d’une fêlure de l’être. Le décor, délimité par un rail, comportait des éléments à la symbolique puissante (tel le miroir), destinés à déstabiliser le spectateur ou plutôt à lui faire appréhender la réalité de façon nouvelle. La dichotomie et à la fois l’interdépendance entre Dionysos et Apollon, entre Eros et Thanatos, s’exprime ici pour pousser l’homme au-delà de lui-même. Mouawad crée aussi une ligne de fuite, ainsi que des contres-flux qui modifient les corps et portent l’élan vers l’inconnu. La question de la résistance et de la tension est posée à nouveau par cette mise en scène.
Joute au son des nacaires, stalles de Worcester (GB)
            Ouvrant une session sur les tambours, Daniel Huber (Université Toulouse II) présente les différentes occurrences linguistiques relatives aux instruments de percussion (en particulier les membranophones) en vieil anglais et en moyen anglais. Avant 1066, les instruments de percussion sont assez peu présents dans les textes, même s’il est évident qu’ils existaient déjà dans l’instrumentarium ; ainsi la « harpe » est certainement le nom d’instrument le plus récurrent, notamment dans la Bible. Daniel Huber soulève la problématique de la coexistence d’un seul et même terme pour plusieurs instruments de percussion différents. Ainsi, le terme Tympanum que l’on trouve dans la Bible va se doter d’une ambiguïté lexicale, à tel point que l’on ne saura plus si le mot concerne un instrument de percussion ou un instrument à cordes. Les termes daf en arabe et tof en hébreux vont également influencer la langue anglaise en même temps que des instruments d’Asie Mineure seront importés. Pour le moyen anglais, c’est le terme français tymbre qui va s’imposer, rétablissant alors la réalité de l’instrument de percussion. On trouve encore le tabor et les nacaires donnant nakere en anglais. Le contexte des croisades a non seulement introduit de nouveaux instruments de percussion venant du Moyen Orient, mais également des termes spécifiques pour les nommer.
            Vera Vyhnankova (Université de Brno) parle ensuite du motif du tambour dans trois romans de Jean-Marie Gustave Le Clézio : Onitsha, Poisson d’or et Désert. Dans ces trois romans, elle met en évidence le lien entre le tambour et la verticalité dans une quête du centre des personnages. Ainsi, le tambour est souvent frappé du haut d’une montagne ou dans un lieu élevé ; le son du tambour opère alors une connexion entre le ciel et la terre en révélant un univers sacré aux personnages en quête identitaire. Le jeu du tambour et la danse qui l’accompagne sont alors vus comme un dépassement de la condition humaine. Toutefois, la thématique de la guerre n’est pas absente, puisque les bruits de pas des soldats sont comparés au son du tambour. L’Afrique est également évoquée à travers le tambour, dans ses liens privilégiés avec la liberté : l’homme noir retrouve son identité à travers la pratique du tambour et de la danse tribale. De même que les sons du tambour évoquent la terre africaine, ils permettent aussi aux hommes de dépasser leur condition humaine chez Le Clézio.
            Nahéma Khattabi (Université de Poitiers) décrit le musicien Guillaume Costeley comme une figure politique caractérisée par un corps social aristocratique à la fin du XVIe siècle, à travers le recueil de ses œuvres intitulé Musique publié en 1570. Ce recueil comportant une centaine de chansons en français et trois motets en latin semble rassembler toutes les compositions de Costeley. Et ces compositions sont entre tradition et modernité avec l’invention d’airs de cours dans l’héritage de la chanson parisienne. Selon Nahéma Khattabi, cet ouvrage est un ouvrage politique permettant d’expliquer les rapports sociaux à la cour des derniers Valois (et notamment les rapports de clientélisme entre Charles IX et le comte et la comtesse de Retz à qui des sonnets sont dédiés au début du recueil), mais également un élément fondamental pour expliquer le goût musical français au carrefour de plusieurs influences. Les rapports étroits entre Costeley et le pouvoir politique sont également visibles à travers l’institution d’un concours de musique en 1575 à Évreux en l’honneur de Sainte-Cécile pour lequel il fallait composer un motet à cinq voix, une chanson à cinq voix, un air à quatre voix, une chanson légère et surtout un sonnet chrétien, ce qui permettait de soutenir la politique catholique du roi qui était en perte de vitesse en Normandie. En outre les œuvres des lauréats étaient éditées. La chanson spirituelle est ainsi une arme de la contre Réforme pour lutter contre la diffusion du psautier protestant en français. Le geste compositionnel de Costeley était bel et bien un outil politique. Il semble d’ailleurs délaisser la composition pour la maîtrise du contre-point à l’orgue lorsqu’il quitte la cour.
            Inaugurant une session sur André Gide, Anne-Claire Gignoux (Université Lyon II) met en évidence les différents portraits des professeurs de piano que l’auteur a eu lorsqu’il était enfant et qu’il décrit en détail dans son autobiographie : Si le grain ne meurt. Si le romancier répugne à commenter la musique en elle-même parce qu’elle appartient à l’immatériel, il insiste cependant sur la qualité de ses interprètes, en particulier au piano. Dans son autobiographie, il présente ainsi cinq professeurs de piano suivant la même rhétorique et formant par leur confrontation une figure de l’interprète idéal. Dans ces portraits, le corps a une certaine importance, car il évoque la personnalité tout entière : il est insignifiant chez Melle de Gœcklin, envahissant chez M. Schifmacker, admirable chez M. de la Nux. Dans une sorte de système platonicien, la beauté physique va de pair avec la qualité des interprètes. Par rapprochement ou éloignement d’avec les portraits des professeurs de piano, Gide élabore donc un sixième portrait : celui de l’interprète idéal, à la beauté physique et morale, passionné, donnant du sens à la musique.
            Maja Vukusic Zorica (Université de Zagred) justifie quant à elle le fait que la musique soit « une bonne métaphore » dans l’œuvre d’André Gide et plus particulièrement dans ses Notes sur Chopin (Revue Internationale de Musique, 1938). Gide se pose en effet en exégète de Chopin tout en formulant un idéal de l’interprète et en clarifiant sa propre position par rapport à l’interprétation de la musique. Il marque ainsi sa préférence pour l’interprétation plutôt que pour l’audition de la musique ; son désir d’être écouté et vu par un public est important et il fait un éloge de l’amateur en rejetant presque la virtuosité qu’il ne peut atteindre. Néanmoins son admiration pour Chopin semble sans borne et se manifeste par un sentiment amoureux. La rhétorique transforme alors le lecteur en témoin du génie de Chopin. Gide montre sa fascination pour les qualités narratives de la musique de Chopin, dont il fait le modèle pour sa propre écriture littéraire. Érigeant Chopin en modèle et s’identifiant à lui, l’écrivain perpétue le mythe du génie romantique et insiste sur le piano touchant et touché. La musique est donc une bonne métaphore de l’amour dans l’œuvre de Gide, qui développe une mystique de la musique et une poétisation de la vie.
            La première journée d’études est close par Marina Lupishko (Université du Havre) qui présente l’analyse musicale de la 13e Mazurka de Chopin par le poète de l’absurde Daniil Harms (1905-1942). Précurseur de la littérature absurde et musicien amateur, Harms a en effet réalisé une interprétation analytique de la 13e Mazurka, qu’il a tenté de généraliser à toute l’œuvre de Chopin. Il dégage ainsi trois phases : l’accumulation, la coupure et la respiration libre ; cette structure est similaire à la ballade avec une forme sonate très narrative. Cette articulation en trois phases a l’avantage d’expliquer la tension sans résolution propre à la Mazurka créant un caractère dramatique encore renforcé par une ambiguïté tonale. Cette analyse a également marqué l’œuvre de Harms, qui structure ses textes comme une partition musicale, en étirant les phrases, en créant des ruptures et en adoptant une structure circulaire. Malgré l’absurdité du fond, la forme des poésies de Harms dispose de liens logiques intérieurs proches de ceux de la forme traditionnelle de la Mazurka réinventée par Chopin. L’attente de l’auditeur comme du lecteur est perturbée.
            La seconde journée d’études s’ouvre avec une communication d’Anne Lacroix (Université de Perpignan) sur la guitare chez six poètes espagnols ayant marqués l’année 1927 : R. Alberti, D. Alonso, L. Cernuda, G. Diego, F. G. Lorca et E. Prados. La guitare, instrument par excellence de l’Espagne est en effet présente en bonne place chez ces six poètes où elle est un symbole multiple. Évocation de la Vénus par sa forme, elle est aussi symbole de l’eau et par extension des pleurs, du sang et de la mort par sa musique mélancolique, évoquant le peuple gitan. La guitare est d’abord mise en scène pour sa forme et sa structure ; les six cordes sont comparées à six jeunes filles dansant ; la rosace inspire diverses images, comme l’œil du cyclope ; la forme de la caisse évoque évidemment le corps féminin, mais aussi le couple du poète et de la muse enlacé. Ces poètes font également le lien avec les guitares déconstruites du cubisme de Georges Braque notamment. Le son de la guitare quant à lui, est capable d’exprimer la douleur de la séparation ; il est gémissements et sanglots et l’instrument est alors transformé en poitrine déchirée par la douleur. Suivant la même thématique, la guitare fait partie de l’identité du peuple gitan subissant l’oppression et vivant une vie rude et tragique. Associée à l’Espagne, la guitare est érigée en métaphore de la voix du poète engagé.
Summa in jus civile (ms. 0338), f. 121, BM d'Angers
      Welleda Muller (Université Paris-Sorbonne, ANR Musiconis) parle ensuite de la figure du musicien dans l’art gothique en France et plus particulièrement dans les stalles et les enluminures de manuscrits, en s’attachant au corps et aux gestes. Le musicien, ou plutôt le jongleur a un statut polyvalent (musicien, chanteur, conteur d’histoires, danseur, faiseurs de tours) qui est visible dans les images ; son statut de professionnel du geste est mis en évidence, malgré la coexistence de nobles musiciens dans des scènes courtoises. Mais ce personnage fait l’objet de critiques, y compris à travers les images d’animaux musiciens qui renvoient à une satire des instrumentistes jouant de la musique d’instinct sans connaître la théorie musicale. Toutefois, une tentative de réhabilitation du jongleur est menée notamment par les scolastiques qui, tout en dénonçant la « gesticulatio », louent la souplesse et les nombreuses possibilités que Dieu a accordées au corps humain.
            Raphaëlle Costa de Beauregard (Université Toulouse II) inaugure une session consacrée au cinéma en s’intéressant à la voix du piano dans le cinéma classique hollywoodien. Prenant pour exemples : The Dead de John Huston (1987), That Uncertain Feeling de Ernst Lubitcsh (1941) et The Unforgiven de John Huston (1959), elle présente le traitement des différents sons cinématographiques (in, off, hors champ) et tout particulièrement celui du piano avec lequel un jeu de profondeur s’instaure, en particulier dans The Dead. La musique du piano permet également de faire entrer le spectateur dans une autre dimension. Il est intéressant de remarquer que le piano est souvent une entité à part entière et que la figure du pianiste est traitée comme un accessoire. Toutefois, chez Lubitsch, la figure du pianiste est traitée en tant que telle, dans un portrait du pianiste romantique ambivalent, avec une parodie de la leçon de piano. The Unforgiven renvoie à la conquête de l’ouest par les pianos Steinway et l’instrument est alors une figure nostalgique et sociale, qui accompagne les festivités. La musique du piano est aussi mise en parallèle avec la musique des indiens qui s’apprêtent à attaquer les colons et lorsque ceux-ci le détruisent, c’est l’émergence de la musique moderne.
            Laurent Marty (Université Toulouse III) détaille ensuite le passage du Fantôme de l’opéra à The Phantom of the Opera ; du roman de Gaston Leroux, au film tourné par Universal. Alors que le roman avait une approche psychanalytique en traitant l’apprentissage du chant de l’héroïne comme une initiation à la sexualité, la narration est restructurée dans le film pour flatter le nouveau goût pour le fantastique des américains. En effet, The Phantom of the Opera devient le premier d’une série de films d’horreurs, marque de fabrique du studio Universal. La structure narrative complexe du roman est rendue linéaire dans le film et une inversion s’opère dans la symbolique de la musique qui est l’image de la sexualité de l’héroïne dans le roman et qui devient celle de la sexualité frustrée du fantôme dans le film. L’orgue a d’ailleurs un rôle important dans ce processus, car il est la manifestation d’un désir de toute puissance. Laurent Marty remarque qu’il s’agit d’un orgue Wurlitzer qui était utilisé pour la musique du cinéma muet et qui permettait aussi d’effectuer des bruitages ; or cet orgue devient vite l’attribut des monstres au cinéma, certainement parce qu’il leur donnait une illusion de pouvoir sur le monde.
            Revenant à la littérature comparée, Gilles Couderc (Université de Caen) décrit la figure d’Ivor Gurney, un poète-musicien mort en 1937. Connu par ses correspondances (dans lesquelles il écrit de nombreux poèmes) et ses mélodies, Gurney est un artiste itinérant et vagabond, qui considère la mort comme un compagnon de route. Il se sent étranger au monde qui l’entoure et en particulier à sa famille. S’il se rapproche de Schubert par le caractère, il aimerait plutôt être Strauss ou Beethoven pour être capable d’écrire de grandes symphonies. La figure du marin, récurrente dans ses poèmes, permet de mettre en valeur cette thématique de l’errance ; la musique traditionnelle et notamment les chansons de marins ont également une influence sur ses compositions. La musique provoque des visions chez Gurney qui ressent une joie intense en même temps qu’une douleur physique. Dans son œuvre, il oppose Brahms à Schumann, marquant ainsi l’imprégnation de la musique allemande en Angleterre. Mais Gurney est croyant, il va donc chercher un sens à la douleur qu’il ressent ; il fait alors de Bach l’image du père idéal qui auréole la cathédrale de Gloucester.
            Patrick Davoine (Université Lyon II) s’intéresse quant à lui à l’instrumentarium présent dans l’œuvre du poète expressionniste Georg Trakl (1887-1915). Mort à la guerre à l’âge de 27 ans, Trakl montre son rejet de l’humanité pour la reconstruction d’un homme nouveau ; son travail est marqué par le symbolisme et l’hermétisme, mais le lexique musicologique y est très présent. L’insertion de l’instrument de musique est d’ailleurs un véritable choix poétique et son évocation tend vers une abstraction progressive ; le musicien disparaît au profit d’une autonomie sonore des instruments. La mort jouant du violon est toutefois une figure récurrente dans l’œuvre de Trakl avec l’idée de dernière danse ou de danse macabre, évoquée dans le poème intitulé « sonate ». Puis, désolidarisés des musiciens, les instruments accèdent à un statut particulier : ils sont des êtres résonnants intégrés à la nature. Trakl met alors en scène une matière sonore ; l’abstraction et la perte du réel apportant un gain poétique.
            Clôturant la deuxième et dernière journée d’études, Thomas Le Colleter (Université Paris-Sorbonne) s’intéresse à la figure de Mozart chez Pierre-Jean Jouve, en particulier dans le recueil de poèmes Les Noces (1925-1931). Unique référence esthétique jusque dans les années 1930 Jouve, assimile Mozart à la musique elle-même par métonymie. Il écrit plusieurs articles sur le compositeur, ainsi qu’une étude musicologique de Don Juan en 1942. Dans Les Noces, Jouve établit un lien étroit entre musique et mystique sous le double patronage de Mozart et de Jan van Ruysbroek (mystique flamand, auteur des Noces spirituelles écrites entre 1330 et 1336). En effet, selon Jouve, Mozart est l’exemple réalisé de la docte ignorance prônée par les mystiques comme Ryusbroeck ou Nicolas de Cues : il est comme la fleur qui fleurit sans en avoir conscience, en s’ignorant elle-même, et c’est pourquoi sa musique relie le ciel et la terre et élève vers le divin. Mais le génie de Mozart est placé sous le thème de la mort ; Jouve évoque la contradiction entre la nostalgie délivrée et la divine gaité qui meurt captive ; la certitude de la mort sublimant la musique de Mozart.
Welleda Muller

     

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